1. Dylanesque


    Datte: 22/05/2025, Catégories: fh, jeunes, amour, nostalgie, portrait, amitié, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... mettre un terme à la balade.
    
    On pense souvent que le premier geste d’une histoire d’amour est un baiser. Et c’est souvent le cas. Un baiser, on le voit s’aligner en approche, prêt à se poser sur vos lèvres. Il faut être un peu hypocrite pour prétendre qu’on vous l’a volé. Mais nous avions court-circuité cette étape. Nous marchions côte à côte dans la rue glacée, au sortir du parc, sans destination précise, notre conversation s’était ralentie sans vraiment s’épuiser, comme si nous n’avions plus besoin d’en rajouter après avoir esquissé l’essentiel.
    
    Il aura suffi d’une main. Une main qui cherche la mienne, sans même que nos regards ne se croisent, qui la saisisse et ne la lâche plus, pour le reste du trajet.
    
    Une main qui saisit la vôtre, c’est mieux qu’un premier pas, c’est une déclaration muette, une invitation à la suivre, sans poser de question, à presser le pas, à galoper imprudemment sur le trottoir couvert de glace, à rejoindre le bâtiment sans éclat de la rue Clavel, à en franchir le portail, à grimper les volées d’escaliers quatre à quatre, à déboucher dans la chambre, à se presser l’un contre l’autre, se dévorer la bouche, se mêler les langues, se déshabiller mutuellement, fébrilement, le souffle court, les doigts maladroits encore engourdis par la froideur de l’hiver, et puis bientôt leur contact glacé strie la peau nue, et puis vous brûlez, l’incendie gagne tout, le lit, la chambre, la ville…
    
    Les yeux roulent, les corps s’affolent, les poumons ...
    ... s’embrasent, la vie elle-même explose, et vous n’avez pourtant aucune envie de fuir, vous vous précipitez dans le brasier pour alimenter le feu, pyromanes inconscients, attiseurs de buissons ardents, vous soufflez sur les braises et les flammes montent, elles vous dévorent ; cet amour-là est vorace, il réunit deux affamés, ils ne laisseront pas une brindille intacte, pas une miette du festin.
    
    Elle vous accepte, non, elle vous réclame, vous voilà en elle, et c’est doux et c’est profond, on y perd pied, on y gagne le vertige, à se perdre, à se découvrir, à se révéler, à se trouver enfin.
    
    Tout ça s’est peut-être produit très vite. À moins que tout ça ne se soit étalé sur un temps fou. Il n’y a plus de temps, il n’y a rien à compter au moment du grand calme rétabli, au moment des sourires, à part quelques grains de folie, quelques grains de beauté. Des innocences d’enfants qui jouent aux adultes sur fond de gravité : cette fois, l’amour est bien là. On le sait.
    
    Il aura suffi d’une main… et d’un refrain dylanesque tracé sous un portrait au crayon.
    
    ⁂
    
    Ça, c’est fait, commente-t-elle en peignant ma chevelure de ses doigts d’artiste, la sculptant à son goût, celui de la rébellion.
    
    Fiona se redresse, cache d’un bras ses tout petits seins fruités : peau de pêche et fraises des bois, j’aimerais avoir son talent pour pouvoir la croquer au fusain, cheveux presque courts, nuque longue, épaules rondes, ventre plat, dos creusé et petit cul à damner. Elle se cache autant qu’elle s’amuse ...
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