1. Un 14 juillet bleu blanc sexe


    Datte: 07/05/2025, Catégories: fh, piscine, hotel, anniversai, amour, portrait, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... corps se raidirent. Cymbales, roulement de tambour. Badaboum ! Elle s’effondra dans mes bras. Bravo l’artiste.
    
    Nous avons dû sommeiller un moment. Puis échanger des regards, des sourires, quelques bécots. Déjà mes doigts voyageaient sur son dos, ses fesses, comme pour improviser sur ce doux violoncelle féminin un nouveau prélude, quémander un rappel.
    
    — Tu n’as pas peur que trop de sexe tue le sexe ? s’amusa-t-elle.
    
    La question était de pure ironie. Quelques jours plus tôt, j’étais tombé au café sur Marianne en pleine conversation avec ses amis trotskos. Elle m’avait invité à m’attabler avec eux, ce qui ne m’enchantait pas : ils étaient engagés dans une discussion doctrinale bien aride.
    
    — Et toi, qu’en penses-tu, Victor ? C’est bien Victor, ton prénom, n’est-ce pas ? avait lancé Morgon.
    — Je ne sais pas. Peut-être que trop de social tue le social. Un peu comme Trotsky tue le ski…
    
    Un silence lourd pesait sur le groupe. Seule Marianne avait manifestement des difficultés à garder son sérieux.
    
    — Excusez-moi, je vous ai choqués… Je suppose que l’humour, c’est le langage de la réaction ?
    — Absolument, avait répondu Cahors, c’est l’arme des cyniques et des nantis. Notre lutte n’a que faire du second degré. Ni des amateurs. Nous sommes des révolutionnaires professionnels.
    — Chacun de nous se doit de participer à la construction du parti révolutionnaire dans son environnement direct, avait ajouté Morgon. Son quartier, son métier, son syndicat, sa faculté… ...
    ... L’engagement est total. Nous ne voulons pas de demi-militants.
    — Ça tombe bien. Je n’ai moi-même aucune envie de militer, ni même de demi-militer.
    
    Ainsi avait pris fin ma carrière dans la gauche radicale, avant même de l’avoir vraiment entamée. La divine surprise fut qu’au lieu de m’exclure, Marianne se rapprocha. Mon peu d’enthousiasme pour la cause avait semblé la ravir, et même la libérer.
    
    La preuve : nous venions de faire merveilleusement l’amour, et nous n’étions pas encore repus. A mon tour, j’osai une question ironique sur l’oreiller.
    
    — Es-tu vraiment sûre que nos rapports soient idéologiquement justifiés ?
    — Tais-toi et fais-moi jouir.
    
    Cette dialectique-là avait tout pour me plaire.
    
    ⁂
    
    Bleu, tout était bleu, le 14 juillet 1999. Bleu turquoise, le long bassin de la piscine Art Deco du Quartier latin où nous nagions presque seuls, ce matin-là, Nathalie et moi. Bleu persan, ses yeux rieurs, bleu azur, le ciel qui surplombait la verrière. Bleu marine, le maillot une pièce qui épousait pour le meilleur et jamais pour le pire son corps longiligne.
    
    Nathalie ? Son allure, ses tenues élégantes, sa maîtrise de plusieurs langues étrangères, cette infime et charmante intonation exotique à peine détectable dans son français parfait, tout semblait coller avec un CV digne de la jetset : on l’imaginait fille d’une grande famille du gotha international. Sans doute avait-elle étudié dans un internat suisse, elle semblait traverser la vie avec une fluidité aussi naturelle ...
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