Ça ne coûte rien - Histoires de Sexe

Ça ne coûte rien

... Charles remarquait à peine ; mettant cette langueur sur le compte des éternels problèmes féminins.

Elle faisait d’ailleurs bonne figure auprès de ses amies de la paroisse, bien qu’une question lancinante la taraudait ; les maris de ces dames avaient-ils recours, eux aussi, aux bons services de Léonelle ou d’une de ses consœurs ?

— Alors, ma chère, cette madame Mercadier, que fait-elle, comment est-elle ?
— Elle s’occupe de sa maison, ne se montre guère dans les réceptions ni à l’église, elle fréquente volontiers leBon Marché, et d’après mon mari qui s’est occupé de ses affaires ici à Paris, elle serait très riche, veuve d’un armateur nantais.
— Comme tout cela semble intéressant, s’extasiaient les commères.

Au bout de quinze jours infernaux, faits de rencontres fortuites dans la rue ou dans des boutiques, de sourires discrets échangés, elle reçut une invitation de Madame Léonelle Mercadier à venir passer un après-midi pour discuter entre voisines. Elle envoya de suite Marie accepter l’invitation.

Les deux femmes s’embrassèrent, déposant un baiser pudique sur la joue de l’autre.

— Je suis heureuse de vous revoir, très chère, je craignais de vous voir me fuir.
— Je dois vous avouer avoir été perturbée par votre confession, mais en réfléchissant quelque peu, vous avez piqué ma curiosité.
— Comment cela ?
— Vos récits, votre vie… cette activité.

Léonelle fit entendre un petit rire délicat.

— Mon activité, c’est un bien grand mot. Il est vrai que dans ...

... ma jeunesse elle m’a permis de survivre.
— Ah bon ?
— Ne faites pas l’innocente, vous devez bien savoir que ces choses-là se font contre espèces sonnantes et trébuchantes. Oui, des hommes me dédommagèrent en échange de rapports avec moi. Mais heureusement cette époque est révolue. Comme je vous le disais tantôt, je suis à l’abri du besoin.

Euphrasie ne savait comment formuler sa question. Mais ça ne coûtait rien de se renseigner.

— Pourquoi donc…
— Pourquoi donc continuer ? Mais pour le plaisir, toujours le plaisir. Maintenant je sélectionne l’heureux élu, je le choisis tel un maquignon. Cependant je n’ai jamais affirmé que je ne recevais plus d’argent.

Euphrasie ouvrit de grands yeux, la bouche ouverte en un « oh » muet.

— Je n’en demande pas, mais beaucoup de mes visiteurs m’en donnent. Je pense que ces messieurs estiment ne pas tromper leur épouse en me payant. Ces dons me permettent de faire des cadeaux à mon personnel, ou d’aider le curé de notre paroisse, il a tant à faire pour les pauvres.

Se pouvait-il que le Père Noricar soit au courant de l’origine de ces fonds !

— De même, ces dons m’arrangent. Ils me permettent de sélectionner mes… patients, de ne point avoir la réputation de faire du bénévolat et voir arriver devant chez moi tous les radins et traîne-savates de la capitale.

La douce madame Magne émit un petit gloussement.

— Comment choisissez-vous-le….
— Récipiendaire ? Tout simplement, il vient devant chez moi, salue en levant son ...