Dorothée ou les dérives de l'aventure
Datte: 10/01/2025,
Catégories:
hagé,
couleurs,
Collègues / Travail
plage,
amour,
revede,
fantastiqu,
sorcelleri,
Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... vois de nombreuses traces de pas sur le sable. Depuis quelque temps, peut-être depuis toujours, cet homme nu tourne autour de l’île avec son cordon.
Trois pas, il tire, les vagues montent sur le sable, se retirent. Il arrive, Dorothée et moi le regardons ; il est face à la mer, de profil à nous et ne semble pas forcer lorsqu’il donne un coup sur la corde. Et les vagues touchent nos pieds, nos genoux, et se retirent à la mi-cuisse. L’homme marche quelques mètres, s’arrête, et tire de nouveau sur la corde. Notre bateau va plus profondément dans l’île, la plage ayant créé un canal pour lui, les vagues s’y blottissent en suivant le rythme de l’homme.
Il nous sent et se retourne, la mer est désormais calme. Immobilité. Arrêt du temps depuis toujours. Trois personnes sur une île en plein milieu de nulle part, trois êtres au milieu du monde. Il n’a pas de visage, il a une couronne de corail, il a un corps magnifique, il sourit sans lèvre. Le temps est lent. Le soleil n’est qu’une moitié de cercle dans la mer qui l’éteindra, la couleur est orange, des reflets de feu d’un côté de nos visages, des taches d’ombre de l’autre. La lune est apparue, blanche.
L’Homme continue sa marche en tirant son cordon au nombril et les vagues bougent, s’activent devant sa force. Il fera éternellement le tour de cette île rêvée, inconnue, personne n’y a mis les pieds. Hors nous. Dorothée et moi sommes une bulle de rêve dans la chimère trouvée et le soleil s’est couché. Les vagues ...
... tourbillonnent autour de nos corps, sous la lune.
La suite est plutôt confuse. Je me suis retrouvé le bagage au bout du bras, devant l’aéroport Roland-Garros, à regarder les montagnes et remparts de La Réunion. Dorothée m’a fait la bise sur les joues, son parfum m’a comme toujours enivré, j’aurais voulu lui prendre les hanches de mes mains, coller son corps chaud et souple contre le mien, approcher ma bouche de son cou, de ses lèvres, lui caresser le dos, prendre ses fesses à pleine main, relever sa jupe, l’entendre soupirer, mais elle m’a fait la bise pour me dire ensuite :
— C’était une belle aventure, n’est-ce pas ?
— Je suis bien content d’avoir trouvé Juan de Lisboa.
J’ai encore des millions d’images en moi de cet Homme nu gravitant autour de l’île et créant les vagues pour faire vivre le monde. Dorothée me regarde d’un air circonspect :
— Mais nous n’avons trouvé que des pierres ponces flottant dans l’eau… La mer était toute couverte de ces pierres pendant plusieurs lieues…
C’est vrai, ça me revient. Charles l’a confirmé, d’ailleurs : il avait entendu à la radio que plusieurs activités sismiques s’étaient produites ces derniers temps dans les environs, et que l’île a dû s’engouffrer il y a longtemps. Et aussi, que les courants marins forment constamment un faible tourbillon, à l’endroit où Dorothée a pêché une pierre ponce.
Je me souviens lui avoir lavé le dos avec cette pierre, avoir frotté sa peau pour enlever les petites peaux mortes, avoir fait de nombreux ...