Dorothée ou les dérives de l'aventure
Datte: 10/01/2025,
Catégories:
hagé,
couleurs,
Collègues / Travail
plage,
amour,
revede,
fantastiqu,
sorcelleri,
Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
« Je suis amant, et ne suis point auteur.» Évariste de Parny
Il faut toujours qu’il y ait une femme, non ?
Selon les appétences de genre, ou les préférences sexuelles des personnes, pas nécessairement. Pour que l’érotisme émerge, il doit y avoir du désir, de l’envie, de l’attirance, de « l’aimance », un attrait sexuel, une excitation émotionnelle ou sensuelle, mentale, physique, qui touche tous les sens. On n’évoque pas obligatoirement l’amour, il s’agit de pulsion. Et comme je suis un homme blanc hétéronormé, j’affirme dans ce cas particulier : il faut toujours qu’il y ait une femme. Ici, elle s’appelle Dorothée.
Elle se présente donc devant moi en marchant rapidement entre les tables du restaurant « La paillote », rondavelle sur le bord de mer. Elle a un sac tressé en vacoa à l’épaule, de longs cheveux bouclés reflétant cent feux sombres, un débardeur à fines bretelles noires et une jupe à fleurs. Assis à l’ombre d’un large parasol carré, je sais que c’est elle avec qui j’ai rendez-vous : elle est remarquable ! J’ai les pieds dans le sable, du sable entre les orteils, mes claquettes sont abandonnées sous la table du restaurant. Les vagues de l’océan Indien grondent et le soleil célèbre l’été austral. Des clients occupent quelques tables adjacentes, la plupart sont jeunes, torse nu pour les hommes, en bikini ou en paréo pour les femmes. Des couples se bécotent devant la plage remplie par les touristes, face à une mer vide de nageurs. On m’a dit qu’on ne pouvait ...
... pas se baigner, trop de requins.
Quand Dorothée lève le regard en contournant une nouvelle table d’un pas pressé, je lève la main à tout hasard pour la saluer. Elle me remarque et sourit d’un sourire enthousiaste. Rapidement, elle pose son sac sur le dossier de la chaise et s’excuse de son retard en s’asseyant et en repoussant ses cheveux dans son dos d’un geste d’une fille du Sud. Elle prononce mon nom et j’acquiesce d’un hochement de tête.
— Bonjour ! Heureuse de vous rencontrer enfin ! Le vol s’est bien déroulé ? Vous êtes arrivé quand ? Où logez-vous ?
— Je suis arrivé il y a deux jours, j’ai pris une chambre à Saint-Denis et, oui, le vol s’est bien passé, c’est long par contre ! dis-je avec un sourire.
— C’est onze heures, c’est ça ? Je ne me souviens plus trop bien, ça doit faire une dizaine d’années que je n’ai pas sauté la mer pour la Métropole.
Dorothée est une cafrine. Il n’y a pas de préjugés ici lorsque j’utilise ce mot. Moi je suis un Zoreil, avec mon crâne blanc presque chauve et mes oreilles décollées. Les descendants du Pakistan, on les nomme les Zarabs. Les Indiens, venants de la côte malabaraise, les Malbars. Les Asiatiques, qu’ils soient Vietnamiens, Thaïlandais ou Chinois, on les appelle les Chinois. Et les Noirs, ce sont des Cafres. Donc, une belle jeune femme créole, brune de peau, aux grands yeux de velours plus noirs que sa chair – comme formulerait Baudelaire – aux douces lèvres roses et aux seins qu’on devine fermes sous ce mince débardeur ...