Dorothée ou les dérives de l'aventure
Datte: 10/01/2025,
Catégories:
hagé,
couleurs,
Collègues / Travail
plage,
amour,
revede,
fantastiqu,
sorcelleri,
Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... voit, là-bas. Dorothée me rejoint et me touche l’épaule d’une tendre caresse, exhalant cette force qui me permet de rester debout, qui me permet d’aller au bout du monde pour elle. Et c’est le cas, nous sommes au bout de monde et c’est Dorothée qui donne et qui prend. Charles est disparu lorsque nous discernons enfin l’île. Elle et moi, seuls, face à Juan de Lisboa, île imaginaire disparue des cartes depuis le 17e siècle, mais qui est bien là !
Celle-ci n’est qu’un rond, un cercle de terre au milieu de la mer, ceinturée d’une grande plage dorée où s’incrustent les vagues lorsqu’il y en a. À l’intérieur de l’île, s’élève un monticule de roc, une montagne minuscule où poussent de nombreux palmiers verts.
Les vagues pénètrent loin dans l’île. Elles sont fortes et notre bateau se laisse guider sur la plage. Nous ne craignons pas qu’il se brise bien qu’il s’échoue lorsque le ressac se retire. Il n’y a désormais plus de vagues du côté de l’île où nous sommes. Le bateau est immobile, c’est le calme plat, la plage paraît avec son jaune or, le soleil est éclatant, et nous entendons le rythme des vagues de l’autre côté de l’île. Mais là où nous sommes, rien : l’eau ne bouge même plus. Nous attendons, elle et moi, debout sur le bateau, incrédules. Puis elle me pointe la plage, à l’ouest, je veux caresser son bras :
— Regardez !
— Qu’est-ce que…
Un homme, nu, au physique imposant, marchant sur la plage, une corde d’argent venant du plus profond des océans entre les mains. Et ...
... les vagues réapparaissent, s’activent de nouveau, la vie revient, notre catamaran n’est plus immobile, il fonce et s’enfonce dans l’île, la plage créant magiquement une digue pour nous. L’homme nu vient en notre direction. Sa tête est surmontée d’une couronne bleue. Il est encore loin, mais Dorothée et moi voyons bien qu’il fait trois pas, s’arrête, tire sur sa corde en argent, reprend sa marche en trois nouveaux pas tranquilles. Ho hisse ! Les vagues progressent et se retirent le temps de trois pas.
Dorothée, empressée, me donne deux coups sur le bras. Elle saute à terre, je l’imite, nous foulons une nouvelle terre. Et nous n’avons plus rien à faire que d’attendre cet homme qui marche sur la plage. Plus il s’approche de nous, plus les vagues se font puissantes. Elles nous font reculer, nous sommes mouillés jusqu’à la taille et le corps de Dorothée est désirable dans cette flotte et par cette chaleur. Je l’entends soudainement s’estomaquer : l’homme nu présente un énorme attribut, ferme, qui pend entre ses cuisses écaillées et suit le rythme des secondes. Une pointe de jalousie ? Je remarque plutôt de mon côté l’éclat du soleil qui touche le fil d’argent tenu par cet homme. Il tient le lien entre ses mains et cette corde rejoint la mer, se cache dans les flots. Les eaux montent de nouveau vers nous, mais nous sommes hors d’atteinte : Dorothée regarde le sable entre ses pieds, se retourne, scrute la plage et me dit :
— Regardez, il fait le tour de l’île.
En effet, je ...