Dorothée ou les dérives de l'aventure
Datte: 10/01/2025,
Catégories:
hagé,
couleurs,
Collègues / Travail
plage,
amour,
revede,
fantastiqu,
sorcelleri,
Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... cumulées de tous ces ingrédients créent un fascinant mélange dans l’air. La maison de Charles est vieillotte, elle appartenait à ses parents. C’est une véritable case créole, peinte en bleu océan avec des lambrequins – des frises en métal sculptées qui, bien qu’elles soient décoratives, remplissent une fonction utilitaire en piégeant les eaux de ruissellement s’écoulant du toit et en les faisant dégoutter verticalement en avant de la façade.
— C’est dentelle la case, m’a dit Charles quand je me suis mis à observer les lambrequins.
Nous sommes dans sa varangue – une véranda, une terrasse couverte – où l’on goûte la fraîcheur de l’air en n’étant ni dedans, ni dehors. Il y a un beau jardin varié, luxuriant, où se retrouvent un peu pêle-mêle, en terre ou en pot, des fleurs, des oiseaux de paradis, d’autres plantes qui me sont inconnues, des palmiers et un petit bassin où nagent des poissons. Derrière la maison, se trouve plutôt le parc volaille, des poules, j’ai cru y voir un ou deux canards.
— Avant, ici c’était une «case la misère». En bois, sous tôle, mes parents allaient pêcher. On était pauvre, mais on mangeait bien !
— Votre case est vraiment belle.
— Merci. Elles sont rares maintenant, ces vieilles cases. Les Zoreils achètent, détruisent puis font des cases béton ! Maintenant, c’est l’habitat vertical qui est à la mode, la kaz en lèr !
— Vous avez un métier ou vous… ?
Charles rit et le confirme :
— Oui, j’ai un métier, vous pensiez que je vivais sur le ...
... RSA ?
Je me défends et m‘excuse, mais non, du tout, Charles continue en riant :
— Je fais des excursions de bateau pour les touristes, je ne suis plus pêcheur comme mes parents l’étaient.
Dorothée est allée se baigner et revient fraîche comme une rose, les cheveux encore humides, vêtue de beaux atours colorés, avec une robe ouverte laissant voir sa cuisse lorsqu’elle marche vers Charles et moi, et d’une blouse ample. Je me demande si elle porte un soutien-gorge ou si ses seins se tiennent naturellement haut. Je me demande aussi où a-t-elle trouvé ses nouveaux habits ? Elle ne pouvait pas avoir une garde-robe de rechange dans son sac en vacoa, non ? À moins que…
— Oté Charles ! Mi san lodèr rougail !
— Té ! Ou espèr trouv boudin kui dann vant koshon ? I rest’ brèdes à trier !
Dorothée traverse la varangue et entre dans la cuisine extérieure, où les saucisses terminent de bouillir sur leur feu de bois, comme si elle était chez elle. Elle regarde dans la marmite, remarque tous les ingrédients coupés et mis en réserve – tomates, oignons, épices dans le pilon – puis dit à Charles, de manière catégorique :
— Continue, Charles, nous avons des découvertes à faire, lui et moi.
— Mais les brèdes ?
Je me sens sublimé par l’attention qu’elle me porte, elle s’avance vers moi – je vois une princesse, que dis-je ? Une reine ! – un pas assuré, un visage déterminé, une aura à faire se soumettre tous les décideurs de ce monde. Elle m’invite à la suivre et déploie une carte ...