Dorothée ou les dérives de l'aventure
Datte: 10/01/2025,
Catégories:
hagé,
couleurs,
Collègues / Travail
plage,
amour,
revede,
fantastiqu,
sorcelleri,
Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... dans la main. Hoareau est dans un brouillard noir, il crie au visage de Dorothée et au bout de son bras, il tient un autre document. Moi, je n’entends plus rien, mais je vois bien que ma complice du jour a le visage fermé et qu’elle formule de ses doigts fins des signes dans les airs, demandant quelque chose à l’invisible, et la brume s’enroule autour du conservateur Hoareau. Celui-ci oscille, chancelle, il se met à reculer, ses yeux écarquillés, il s’étouffe, il s’assied tranquillement dans un fauteuil tandis que la brume noire file comme un cyclone autour de lui. Dorothée mesure soudainement quatre ou cinq mètres «d’aires», elle prend toute la place, je ne distingue plus son regard malicieux et intelligent, peut-être est-elle elle-même la brume ? Un éclair, je me lève comme un ressort et remarque Dorothée – redevenue la belle cafrine – s’avancer vers Philippe – un ancien amant ? – pour lui prendre le dossier d’entre les doigts. Elle me fait un signe de la suivre, je me retourne et toute la brume s’évanouit et file sous le bureau. Le conservateur des TAAF dort dans son fauteuil.
Au soleil, à l’extérieur, Dorothée prend de grandes respirations, je lui demande :
— Que s’est-il passé ?
— Pfff, nouri lo ver pou pik out kër !
— Hein ? Encore une de ces expressions ?
Malgré ce qui vient de se passer, Dorothée me sourit :
— Oui, et ça signifie se faire trahir par quelqu’un à qui on a donné sa confiance.
— Mais que s’est-il passé, vraiment ?
Dorothée a un éclair ...
... dans l’œil qui me touche au plus profond du ventre. Un regard, un sourire, le vent dans ses cheveux, la tempête dans mon cœur, j’aimerais lui toucher le dos, lui prendre la taille, l’amener vers moi comme un bon danseur, qu’elle se permette de se révéler, de tout me dire, mais elle se contente de :
— Je vous avais dit que nous étions un peu sorcières dans la famille, non ? Eh bien, voilà ! Allez, venez !
Nous repassons devant l’autel de Saint-Expédit, je la vois se signer, je fais de même. À sa voiture, avant de déverrouiller les portières, Dorothée regarde son téléphone et souffle d’exaspération :
— Purée ! On ne peut pas revenir sur Saint-Denis, il y a un éboulement sur la route en corniche !
— On ne peut pas prendre la Nouvelle Route ?
— Mais non, elle n’est pas terminée !
Elle réfléchit en regardant la mer : ce qu’elle peut être belle en toute circonstance ! Ses cheveux ondulés qui volent dans le vent, sa peau mate qui reflète le soleil, la courbe de son dos, de ses fesses cachées sous sa jupe rouge sang. Elle regarde sa montre-bijou :
— J’ai un ami qui habite non loin, allons-y !
Les tomates Roma sont coupées en petits dés. Les oignons, coupés en chinois, sur la longueur. Des saucisses se font bouillir pour les dessaler. L’ail, le gingembre, le sel, le poivre et des petits piments cabris sont écrasés dans le pilon, à coup de kalou par Charles, l’ami de Dorothée.
Nous sommes dans le quartier pêcheur, Terre Sainte, toujours à Saint-Pierre et les odeurs ...