Un baiser forcé - Histoires de Sexe

Un baiser forcé

... levé pour partir.

— Je vais peut-être y aller.

Mais, devant cette lâche défection, elle s’est insurgée :

— Mais, il n’est pas tard, tu peux rester encore un peu… Si tu veux, je peux mettre de la musique. Un peu de jazz, ça te dit ? J’adore le jazz, mais toi peut-être pas trop. Je ne connais pas tes centres d’intérêt… Sauf peut-être ta musique. Il y a des choses que j’apprécie dans la musique de sauvage que tu écoutes. Je ne suis peut-être pas aussi classique que tu le penses. Moi aussi, j’ai eu pas mal de problèmes, de très gros problèmes. Il ne faut pas me juger seulement sur mon apparence. C’est difficile pour moi d’être vraiment naturelle.

Que de révélations en si peu de mots ! M’avait-elle dit tout cela simplement pour me faire rasseoir, parce qu’elle sentait que j’étais sur le point de partir ? Elle s’était assise en tailleur sur le lit et, machinalement, elle se triturait doucement les pieds, de tous petits pieds à l’image de son corps. Mais ses ongles étaient vernis, rouge vif, cela faisait un peu étrange.

— Ma mère est retournée vivre en Angleterre, elle s’est trouvé un nouveau compagnon. Mon père, lui, ne s’est jamais préoccupé de moi. Je ne les vois donc jamais, mais je reçois mes chèques tous les mois. Cela me permet de continuer mes études…

J’aurais aimé la convaincre que ma musique était géniale mais, à quoi bon, tous mes délires de révolte n’étaient souvent que des illusions qui ne menaient qu’à de nouveaux malaises.

Depuis quand n’avais-je ...

... pas eu de copine stable ? En fait : depuis toujours. Juste des amours d’un soir, des jeunes filles branchées en mal d’expérience, des bons coups à consommer vite fait, et les inévitables capotes qui vont avec, pour se protéger les uns, les autres. Cette, soi-disant « envie de vivre intensément », alors que ce n’est souvent qu’une longue redite de situations toujours identiques.

D’un autre côté, je n’aurais surtout pas voulu avoir une copine stable, j’exècre le mariage, j’exècre la famille et j’exècre les enfants : Aucun lien, aucune dépendance, aucune soumission, tout ce traditionalisme social, je le perçois comme un enfer !

— Tu vis seul ?

J’ai levé les yeux vers elle, étonné de sa question. Alors elle l’a reformulée :

— Tu as une petite amie ?
— Non, ai-je simplement avoué.
— Et bien moi non plus, ajouta-t-elle d’une voix tranquille, je suis seule, je ne vis avec personne…
— …
— Je ne te trouve pas très bavard, finit-elle par demander, plus incisive. Est-ce parce que tu es timide ?
— Peut-être.
— Moi aussi, je suis timide. Je suis excessivement timide. Ça m’handicape pour plein de choses. Par exemple pour fréquenter quelqu’un, j’ai toujours besoin de beaucoup trop de temps pour m’habituer. Et quand le temps est passé je n’ai parfois plus envie d’être avec la personne.
— …
— Tu as de jolis pieds ! (Elle les triturait toujours)
— Tu trouves ?
— Oui, je les trouve très mignons.
— Mignons comme mon nounours ? Tu ne m’as pas dit encore ce que tu pensais de ...