1. Fanfreluches et clef à molette


    Datte: 11/07/2019, Catégories: nonéro, mélo, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... soudain ma clef à molette et, sans réfléchir, en donnai un grand coup sur la tôle du capot. Un gong explosa dans mes oreilles. Une fraction de seconde plus tard, je vis un objet plat et sombre chuter à l’intérieur de la génératrice.
    
    — Qu’est-ce que… ?
    
    Sous la violence du choc, une trappe s’était ouverte dans la partie haute du carter. Un double-fond ! Penchée dans les entrailles même de la bête, je finis par repérer, bloqué derrière le rotor, ce qui venait juste de tomber de la planque. Délicatement, je glissai mes doigts dans l’interstice et récupérai un carnet de cuir graisseux, fermé par un gros élastique rouge.
    
    Le carnet d’entretien de l’antique machinerie, noirci par les années…
    
    Qui l’avait dissimulé là ? Keller ? Et pourquoi ne pas l’avoir conservé en évidence, avec les autres notices techniques? Je n’avais pas le temps pour ce genre de questions. Ni même pour bénir la chance qui, en me mettant le carnet entre les mains, me donnait peut-être l’occasion de sauver Alain – et ma propre peau, par la même occasion.
    
    Non, pas de temps pour ça. J’ôtai simplement l’élastique et ouvris le carnet.
    
    ooOOoo
    
    De la part de Yann Keller, on pouvait s’attendre à tout. Le calepin ne contenait en réalité aucune notice. À la place s’y entassaient des dizaines de lettres jaunies.
    
    Je crus tout d’abord à une mauvaise blague, un clin d’œil de l’Helvète sarcastique, à des années de distance. Puis, en parcourant quelques unes de ces lettres, je compris que ce carnet n’était ...
    ... qu’une coquille vide abritant les secrets oubliés d’un vieil homme, son courrier du cœur stocké là bien avant qu’il ne tire sa révérence. Une correspondance enflammée, portant la griffe d’une certaine Céline Dumas. Une collègue ? Une femme entretenue ? Une étudiante ? Qu’importe… De toute façon, cette salope signait notre perte !
    
    Je me laissai glisser au sol. Si j’en avais eu la force, j’en aurais chialé. Les lettres se répandirent autour de moi comme autant de feuilles mortes et inutiles. Entre les mains, il ne me restait plus qu’une enveloppe de cuir vide. Machinalement, j’en palpai la doublure crasseuse. Je finis par sentir une fine bosse sous la pulpe de mon doigt, comme une pièce de métal allongée. La peau du calepin se lézardait de partout. Je n’eus pas à lutter bien longtemps pour en faire craquer les coutures. Une clef plate tomba soudain dans ma paume, accompagnée d’un feuillet plié en quatre. C’était l’écriture du Suisse :
    
    8 mai 1992, Sucy-en-BrieQui que vous soyez, veuillez excuser mes mauvaises manières. Plonger les gens dans le noir n’est guère sympathique… Pas plus que de devoir protéger son bien contre les indésirables. Et jusqu’à preuve du contraire, c’est bien ce que vous êtes, vous qui lisez ces lignes. Vous auriez su, sinon, quelle séquence de confirmation entrer, après avoir brouillé le code de sécurité du sas.Mais, bien que vous ne fassiez pas partie de notre famille, il vous a fallu du cran et de la débrouillardise pour arriver jusqu’à ce message. ...
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