1. Fanfreluches et clef à molette


    Datte: 11/07/2019, Catégories: nonéro, mélo, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... Je suppose que cela vous qualifie pour survivre encore un peu, cher inconnu(e)…Ah, au fait ! La clef que vous avez entre les mains est celle d’un coupe-circuit. Faites-en bon usage.
    
    Keller avait piégé son abri ! Égal à lui-même, ce salopard continuait à nous narguer depuis sa tombe. Dommage qu’il soit crevé, ce nuisible, je lui aurais bien touché deux mots, moi…
    
    Je me ressaisis rapidement. Il y avait mieux à faire que perdre son temps en récriminations stériles. Par exemple, remettre en route la génératrice, de préférence avant qu’Alain ne suffoque et n’ait d’autre choix que de respirer un air mortellement contaminé…
    
    Même si ce n’était dû qu’à la chance et au bon vouloir d’un vieux sadique, je tenais entre les mains la clef de notre destin. Fallait-il encore trouver l’endroit où la glisser. Cherchant fébrilement le fameux coupe-circuit, je repérai enfin sur le panneau de commande la fente adéquate. J’y enfonçai notre précieux sésame et tournai, priant pour qu’il déverrouille l’abri…
    
    Les voyants de la génératrice s’animèrent soudain, des loupiotes vertes et rouges s’allumant de partout. Une véritable guirlande de Noël. Retenant mon souffle, j’enclenchai le bouton marche arrêt. Le doux grondement du diesel emplit aussitôt le local étriqué. La ventilation se remit à ronronner, la chambre froide à réfrigérer, les lumières à éclairer. Toute une vie mécanique emplissait à nouveau l’abri.
    
    Je ne pus m’empêcher de hurler de joie comme une gamine. C’était encore mieux ...
    ... qu’une montagne de cadeaux sous un sapin de Noël…
    
    ooOOoo
    
    J’étais revenue dans le sas, éclairé cette fois comme en plein jour. L’afficheur, tout à sa superbe indifférence, n’affichait plus rien. L’arrêt de la génératrice semblait avoir réinitialisé le système dans son ensemble.
    
    — ALAIN ! ALAIN, TU M’ENTENDS ? RÉPONDS, BORDEL ! hurlai-je pour la seconde fois, heurtant le panneau blindé de toute la force de mes poings.
    
    Toujours aucun signe de mon compagnon. Refusant d’imaginer le pire, je revêtis un de ces sacs à jambon étanches puis, sans trop y croire, je tentai de déverrouiller l’abri. Après une courte hésitation, la porte s’effaça dans un chuintement hydraulique. Désintégré, le code de sécurité…
    
    Alain était bien là. Allongé sur le sol de béton brut, le visage grisâtre et cyanosé, il ne bougeait plus. M’agenouillant à ses côtés, je posai une main affolée sur son buste. Était-il juste évanoui ou bien… ? Avec un énorme soulagement, je constatai que sa poitrine se soulevait encore. Un souffle faible, mais régulier, embuait sa visière de plexiglas. Visiblement, Alain avait préféré flirter avec les limites de l’asphyxie plutôt que de respirer un air contaminé.
    
    Je le secouai avec précaution, jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Il avait le regard trouble et dénué d’émotions d’un homme qui a contemplé la mort et doute d’être encore en vie. Enfin, un pauvre sourire glissa sur ses lèvres. Des larmes de reconnaissance ruisselèrent sur mes joues, s’écrasant sans bruit à ...