1. Une autre bague de fiançailles


    Datte: 24/02/2024, Catégories: cérébral, Voyeur / Exhib / Nudisme historique, historiqu, amouroman, Auteur: Someone Else, Source: Revebebe

    ... maquerelle la veille de sa venue et qui exigeait que Victorine soit habillée comme une grande dame avec robe longue, crinoline et tout le barda, mais toutefois sans jamais rien porter dessous : son truc à lui, c’était de se pointer et de l’embroquer illico presto, parfois à même l’un des meubles du couloir menant aux chambres ! L’explication étant que sa bigote de femme n’avait jamais accepté que le rapport sexuel mensuel ne puisse avoir lieu ailleurs que dans la chambre et toutes lumières éteintes… Au moins, avec lui, elle n’était pas obligée de jouer la comédie, il payait plein pot pour trois minutes de radada, que demande le peuple ? Jamais elle n’aurait pensé qu’un jour elle aurait eu la nostalgie de cette époque… Maintenant, elle n’en est pas dupe : le temps a tendance à effacer les mauvais souvenirs pour ne garder que les bons, et elle préfère oublier la quantité industrielle de galères qu’elle a dû affronter pendant ces mêmes années de putanat.
    
    Quoiqu’il en soit, les séances s’enchaînent… Et à chaque fois, Victorine voit les murs se recouvrir de ses portraits et les trous des murs se remplir, à tel point qu’un beau jour, et n’y tenant plus, elle finisse par lui poser la question qui lui brûle les lèvres depuis pas mal de temps.
    
    — Mais vous pouvez m’expliquer ? Il y avait quoi, autrefois, à la place des photos que vous venez de faire ? Et pourquoi moi ? Pourquoi ne pas avoir pris un véritable mannequin plutôt qu’une pute ?
    
    Cette question-là, Ernest la redoute ...
    ... depuis le premier jour. Il a beau s’être joué et rejoué la scène, essayé de mettre sur pied des stratagèmes pour ne pas craquer, il ne peut s’empêcher d’éclater en sanglots.
    
    — Oh, répond-il au bord des larmes, c’est compliqué…
    
    Paris, toute fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, quand tu veux une photo, tu sors ton portable et en deux secondes, c’est dans la boîte… Mais à l’époque, ce n’est pas tout à fait la même béchamel.
    
    Ce jour-là, Antoinette a vingt ans et, surtout en cette fin de siècle, c’est un événement qu’il convient de fêter et d’immortaliser. C’est donc accompagné de Madame sa mère qu’elle va donc, selon l’expression consacrée, aller se faire tirer le portrait chez un photographe qui commence à se faire une petite réputation, un certain Ernest Delagrange.
    
    La boutique est petite et sent fort le révélateur et autres produits chimiques mais la quantité impressionnante de portraits qui ornent les murs n’a d’égale que leur qualité : d’évidence, certains photographes sont plus doués que d’autres pour capter une étincelle dans le regard ou pour provoquer une émotion insoupçonnable qui fait toute la différence… Ernest fait partie de ceux-là.
    
    Cette fois, madame Legrand, la maman d’Antoinette, en est certaine : c’est chez ce jeune homme et nulle part ailleurs que sa fille se doit d’être immortalisée. Tant qu’à dépenser une fortune pour un simple cliché, autant que celui-ci soit réussi !
    
    — Et vous pouvez nous fixer un rendez-vous ?
    — Oh, je peux même vous prendre ...
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