Fifty-Fifty - Histoires de Sexe

Fifty-Fifty

... presque innocent. Mais là, l’innocence était réelle, et elle ne la rendait que plus follement désirable.

— Je vous l’accorde, Monsieur Caubert, finit par lâcher Jérôme. C’est entendu. Je rédigerai sans délai un rectificatif en ce sens. Avec votre permission, je vais d’ailleurs prendre congé pour m’en charger.

Juliette prit l’ascenseur, Jérôme dévala l’escalier. Ils arrivèrent simultanément sur le palier du 1er étage, ce qui les fit sourire.

— Jérôme…
— Juliette ?
— Je voulais vous dire… Je suis désolée. Ce n’est pas moi qui me suis plainte.
— J’en suis convaincu.
— Je n’ai pas aimé assister à cet entretien, il m’a paru…
— Humiliant ?
— Pénible, en tout cas.
— Ne vous en faites pas. Il était surtout ridicule. « Et j’entends bien que ce soit la dernière, Monsieur Merlaint ! » gronda Jérôme, provoquant leurs rires.
— Je vous respectais déjà. Vous avez gagné ma sympathie.
— Un rare privilège, s’agissant de vous, diraient les cinéastes !
— C’est con. On ne se parle jamais, c’est tout juste si on ne s’évite pas. Je vous connais si peu.
— C’est vrai que mes rapports avec les journalistes sont asymétriques, inégaux. Moi, j’ai au moins l’avantage de les lire.
— C’est tellement révélateur ?
— Souvent. Même s’il faut parfois lire en creux.
— Alors, faites-moi ce plaisir. Rétablissons l’équilibre. Allons boire un verre pour fêter ça.
— Fêter quoi ?
— Votre blâme !

Elle commençait vraiment à l’amuser. Il la suivit jusqu’à une terrasse toute proche. Elle lui ...

... recommanda le Spritz, il était plutôt rétif à cette mode. Il eut une inspiration et commanda du champagne. Inévitablement, leur conversation pétilla, et de coupe en coupe, elle se fit plus personnelle.

— La rumeur prétend que vous formiez un couple royal, vous, l’héritier du Commandeur, avec Marie Salacrou, la princesse du grand reportage.
— La rumeur a raison. Surtout quand elle murmure à l’imparfait.
— Que s’est-il passé ?

Même désinhibé par les bulles, Jérôme se bloqua.

— Pardonnez ma curiosité. Elle n’est pas malsaine. Vous me croyez trop garce que pour être discrète ?
— Non. Vous êtes directe et ça m’inspire plutôt confiance, bizarrement. Quant à ce qui s’est passé avec Marie… Nous étions très différents et pourtant unis. Mon travail était sédentaire, celui de Marie était nomade. Elle partait aux quatre coins du monde couvrir les points chauds, les conflits, les sales guerres. Je m’obligeais à ne pas trembler pour elle, à me convaincre qu’elle était si forte que rien ne pourrait lui arriver. Et puis un jour, elle n’est pas rentrée comme prévu, comme vous le savez sans doute.
— Bien sûr, même si j’étais alors gamine. Le guet-apens des milices, l’enlèvement, son visage qui s’ajoute à ceux qui s’affichaient trop nombreux sur la façade de l’hôtel de ville…
— En effet. Et puis les comités, les marches, les démarches, les pourparlers secrets, les espoirs déçus… Elle a fini par revenir, pourtant. Je suis allé l’accueillir à la descente du Falcon, à Villacoublay, ...