1. Fifty-Fifty


    Datte: 27/01/2024, Catégories: fh, ff, ffh, hplusag, Collègues / Travail fête, amour, portrait, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... l’accepter, et il l’acceptait. Non, ce n’était plus du tout douloureux d’avoir 50 ans, ce n’était plus un drame qu’elles en aient bien moins que ça, tant que ce qui les réunissait était digne, et tendre, et joyeux, et généreux, et spontané, et insouciant. Il n’y aurait pas de plans, pas vraiment de ménage, même à trois, pas de robes blanches ni de bague au doigt, pas de projets de maisons, d’enfants, de vacances à la Baule. Pas d’amertume et pas de mensonges non plus, pas de déception puisqu’on n’aurait jamais rien à se reprocher, le seul enjeu serait de vivre chaque étreinte comme si elle était la première, comme si elle était l’ultime, en faisant provision d’énergie, de chaleur, de tendresse et de sexe pour la route. Cette lumière-là, celle de chaque instant amoureux vécu avec gratitude, elle survivrait quoi qu’il arrive, elle rayonnerait longtemps, comme celle qui nous parvient des étoiles mortes.
    
    Ça n’avait pas de sens d’être inconsolable de ce qu’on n’a pas encore perdu. On ne vit pas sans risques. On n’aime pas sans risques. Il n’y a jamais de garanties. Personne ne peut en offrir, on ne sait jamais. Tout peut s’arrêter demain, puisque tout s’arrêtera un jour, quoi qu’il arrive. La faute à l’ennui, au désamour, à une rencontre, à la lassitude. La faute au crabe, au myocarde, auxallah ouh akbar qui déchirent la douceur d’une soirée de novembre, la faute au variant indien, au variant malgache, au variant poldave. Alors, autant prendre les devants, et se consoler ...
    ... joyeux dans des bras amoureux.
    
    Jérôme quitta sa chaise, grimpa l’escalier quatre à quatre, en remerciant ses marches : elles l’avaient bien entraîné, bien aidé, jamais il ne les avait gravies si vite qu’en s’élevant vers cet ultime rendez-vous avec son maître.
    
    Il pénétra dans le local, s’immobilisa face à la photo grand format. Il lui montra l’enveloppe, celle-là même, la posa sur le bureau, où il préleva un marqueur épais.
    
    Il avait quelque chose à lui montrer. Il avait enfin trouvé, croyait-il.
    
    Alors, à l’aide du gros feutre noir, il s’appliqua à tracer en caractères géants un message qui se découpa bientôt sur le mur blanc.
    
    Jérôme regarda la photo du Commandeur. Était-ce l’effet de la pénombre qui lui faisait plisser les yeux ? Il eut l’impression d’y lire un sourire, et même une trace de tendresse et de fierté, celle qui vous étreint quand un enfant s’éloigne. Vous lui avez donné la vie, redoutable cadeau. Mais cela n’aura pas été en vain, il en fait bon usage, mieux que vous déjà, sans doute.
    
    Jérôme entendait encore l’écho de la voix du Commandeur.
    
    « Rentrez chez vous, Jérôme, filez vite. Prenez soin de vous, et prenez bien soin d’elles. N’avez-vous pas capté les regards qu’elles vous destinent ? »
    
    Alors il écouta son conseil, le salua de la main, dévala le chemin inverse, prit la caisse pleine qui l’attendait au rez, poussa sur le bouton déverrouillant le portail, le referma derrière lui.
    
    Et il glissa la clef dans la boîte duTemps.
    
    ⁂
    
    Ce ...