Veux-tu te connecter à mes rêves ? - Histoires de Sexe

Veux-tu te connecter à mes rêves ?

... défouler, il fallait aller à l’extérieur.

Pour me consoler de cette mauvaise expérience, elle m’a emmené visiter le fabuleux jardin central. Je n’avais jamais rien vu de tel : parmi les arbres perpétuellement en fleurs ou en fruits, des millions de papillons volaient dans tous les sens, de toutes couleurs et tailles, du petit mars changeant au monarque grand comme la main. Ils se posaient sur mon bras et s’envolaient aussitôt, poussés par une brise propulsée par des ventilateurs. Soudain est apparue une bête volante incroyable, comme un serpent avec des ailes et des plumes irisant la lumière.

— Il s’appelle Jézéro, c’est un dragon de mon invention. Je l’ai fabriqué à partir d’une banque de gènes issus d’animaux disparus au cours du grand naufrage. Il a constitué un projet d’étude pour des travaux pratiques de biologie. Vois-tu, selon moi, le principal avantage d’être devenue immortelle est d’avoir le temps d’acquérir toutes sortes de connaissances et de les perfectionner sans limites de temps. En ce moment, j’apprends la physique, ce qui me permettra d’améliorer la propulsion thermonucléaire de nos fusées spatiales. Regarde comme il est beau : je l’adore. Il m’a permis d’avoir la meilleure note de ma promotion. Ne le crains pas : il est inoffensif, et même s’il a de grandes dents, il est innocent et doux comme un chaton. Je le nourris de lait et de miel, avec quelques fruits de temps en temps, en guise de friandise. Il sera lui aussi épargné par la maladie et par la ...

... mort, si je ne me suis pas trompée dans mes calculs lorsque j’ai assemblé ses chromosomes. De plus, il sait chanter comme un oiseau des îles : son répertoire est merveilleux. On dirait qu’il s’inspire des voix humaines et de la trajectoire des papillons pour composer des airs. Comme il a toujours vécu dans ce jardin, il n’a jamais connu le mal qui règne à l’extérieur de la cité, jamais vu quelqu’un souffrir ou pleurer.

Catherine l’a laissé se poser sur son épaule et nous avons continué notre promenade à trois, pendant que Jézéro nous sifflait des trilles en me regardant avec curiosité de ses grands yeux d’azur. Il avait l’air d’un séducteur un peu inquiétant avec ses sourires carnassiers. J’ai demandé à la conceptrice de l’animal la raison de cette étonnante dentition. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas d’un compagnon qui ait l’air mièvre. Pour sûr, il n’avait pas du tout l’air mièvre. S’il avait voulu, il aurait pu me croquer d’une bouchée. J’ai pensé qu’il représentait parfaitement sa paradoxale maîtresse et la cité tout entière : un savant mélange de grâce et d’effroi, d’intelligence, de douceur et de cruauté féminine.

— Mon ami Jézéro est un garçon et j’ai peur qu’il s’ennuie, alors bientôt, je lui créerai sa moitié, pour qu’ils soient heureux ensemble.

J’ai pensé à l’histoire de Frankenstein que ma mère nous avait racontée, à mes frères et moi, au cours d’une veillée, en espérant que Jézéro n’ait pas besoin de se réfugier au pôle Nord2. Cela m’a fait penser à ...