Aïcha, ou les exils
Datte: 30/06/2019,
Catégories:
fh,
ff,
hotel,
anniversai,
amour,
confession,
historique,
Auteur: Asymptote, Source: Revebebe
... et néanmoins dans le miroir de ses yeux je me découvrais superbe comme jamais. J’appartenais à l’univers des elfes, émanation vaporeuse ondulant au gré des bouffées de la brise qui faisait vaciller les flammèches de la lampe. Je me devinais figure évanescente, exhalaison d’une Nature ensommeillée et des ferments féconds de la Terre, cristallisation des buées d’une nuit sereine. Dans cette atmosphère, je ne me percevais pas plus Française que Kabyle ou Arabe, pourtant déjà femme, de plus en plus nettement femme emportée par un inextinguible besoin de combler la vacuité de son ventre.
Il ne savait toujours pas que faire de ce soutien-gorge importun qu’il portait avec les respects exigés par une relique. Je le lui arrachai et le jetai négligemment sur un siège. Il revint vers moi et m’étreignit en dépit de la honte qui gonflait son caleçon. Ses lèvres se posèrent sur les miennes répétant dans un souffle l’implacable question :
— Es-tu bien sûre de vouloir cela ?
À nouveau retentirent les assourdissantes trompettes m’avertissant de la fin des temps anciens et du début d’une ère nouvelle. Je ne sus répondre qu’en perdant, ô très timidement, mais sans réserve, ma langue dans sa bouche. J’y dégustai un autre champagne au bouquet âpre et capiteux, aux mâles arômes de fruit mûr.
Kadour fut parfait. Il sut, en ce prélude, être tendre et délicat, si délicat qu’il me fit fondre sous ses caresses et je constatai que je ne m’étais pas exagéré le pouvoir magique de ses mains. ...
... J’avais, jusqu’ici, pu fanfaronner alors que tout au fond de moi je crevais de trouille, toutefois cette peur aussi il sut la dissiper.
Il ne nourrissait pas moins de crainte et de cette conjonction de nos alarmes qui aurait pu être soit paralysante, soit nous entraîner à une précipitation brouillonne ou se transformer en funeste brutalité, il parvint à faire sourdre le miel de la félicité. Je tombai ensuite, ou plutôt nous nous renversâmes sur ce que prosaïquement on appellerait une vaste banquette, mais qui en réalité dissimulait un gouffre insondable en lequel nous nous abîmâmes éblouis.
Raconter ce qui y advint reviendrait à vouloir ordonner l’écume océane. Comment confier, sans le trahir, au carcan du verbe le magnifique chaos d’émotions, d’égarements et de sensations ? Comment le soumettre aux rigueurs de la phrase ? Faudrait-il d’ailleurs, pour chanter les splendeurs de l’arc-en-ciel, en dépeindre laborieusement chacune des gouttelettes ? Ô quand il s’empara de mon cou, de mes seins ou de mes reins ! Ô quand il flatta mon ventre et mes fesses ! Ô quand il me sonda, révélant en mes propres entrailles les fulgurances d’un monde ignoré. Ô quand il se perdit entre mes cuisses, m’éveillant à moi-même.
Des saisissements mystérieux me vrillèrent, des commotions inconcevables me tordirent, puis, cet éclair confondant douleur et plaisir, qui me fit femme au prix d’une larme de sang. Kadour ahanait sa passion en aubade époumonée que j’éraillais de trilles stridents, avant ...