1. Aïcha, ou les exils


    Datte: 30/06/2019, Catégories: fh, ff, hotel, anniversai, amour, confession, historique, Auteur: Asymptote, Source: Revebebe

    ... pu ouvrir une étude privée à condition toutefois qu’elle reste gratuite. Nous construisîmes une maison à Vendargues, mais celle-ci achevée, nous ne parvînmes pas à nous résoudre à abandonner notre banlieue. Il y avait d’abord nos amis, tous les accros de la cage d’escalier du 18, et aussi ces lieux eux-mêmes qui nous avaient accueillis, où nous avions fait notre trou et étions bien.
    
    Pourtant des signes avant-coureurs et des lézardes apparaissaient. Elzbieta nous quitta la première suivant un Normand à Caen, le chômage se développa entraînant un désœuvrement et un alcoolisme importants. Certes notre minuscule îlot, notre immeuble surtout et mes gamins demeurèrent presque épargnés, mais les deux grandes barres construites dans notre proximité immédiate firent bientôt peser leur menace. La joyeuse convivialité qui avait été jusqu’à la promiscuité finit par disparaître tandis qu’une méfiance généralisée s’installait.
    
    D’Arabes que nous avions été, nous nous transformâmes en riches, entendez que nous n’avions rien à faire ici, et, en un sens c’était vrai. Une violence sourde se développait que les déboires de ma fille illustrèrent parfaitement quelques années plus tard.
    
    J’avais alors quarante-neuf ans, et à l’instar de Kadour bon pied bon œil et même des charmes pas trop flétris, la jambe bien tournée et le buste altier. Mon fils, médecin généraliste, travaillait pour une ONG, quant à Claire, âgée de vingt-trois ans, assistante sociale, elle exerçait son emploi dans un ...
    ... centre d’accueil de réfugiés. Elle logeait souvent chez nous et, en ce week-end de juillet, elle nous demanda si elle pourrait convier et nous présenter son aimée à notre fête-anniversaire, le dimanche suivant. Nous ne soupçonnions rien et fûmes très réjouis par cette annonce.
    
    — Et comment donc, vilaine cachottière, non seulement tu peux, mais tu le dois et nous en serons enchantés.
    
    Elle respira profondément et lâcha :
    
    — Papa, maman, je voudrais vous avertir qu’elle est Marocaine, se prénomme Aïcha, a vingt-huit ans, un garçonnet de trois ans et est prof d’art.
    
    Il y aurait mensonge à prétendre que nous évitâmes un bref flottement, néanmoins prétendre que la foudre s’abattit sur nous serait fort exagéré ! Kadour presque immédiatement rétorqua avec bienveillance :
    
    — Eh bien voilà ma fille lesbienne, pour comble entichée d’une Mauresque, et nous, propulsés au titre de grands-parents.
    
    Pouvait-il mieux résumer son adhésion. Quant à moi, je me souvins de ce jour où j’avais annoncé à ma mère que je m’étais donnée à lui. J’ajoutais donc :
    
    — Comment pourrais-je récuser Aïcha, elle sera bienvenue, depuis toujours ce prénom me poursuit, par contre moi qui comptais inviter ta grand-mère, je suppose qu’il vaudra mieux m’abstenir.
    
    La nouvelle Aïcha fit une entrée saisissante dans la famille et nous conquit tous deux, sitôt notre seuil franchi. Kadour déclara :
    
    — On dirait l’Aïcha d’il y a vingt ans !
    — Ne me flattez pas, lorsque je découvre madame aujourd’hui, je ...
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