1. Aïcha, ou les exils


    Datte: 30/06/2019, Catégories: fh, ff, hotel, anniversai, amour, confession, historique, Auteur: Asymptote, Source: Revebebe

    ... tressaillîmes et nous écartâmes affichant sur nos figures et la satisfaction de cette étreinte et la frustration de son interruption. Ce gentil et céleste baiser m’avait mise en feu et si les circonstances l’avaient permis, je me serais sans doute laissé aller à des incartades plus déraisonnables. J’en sortis un peu sonnée, ayant quelques difficultés à reprendre pied. Je me remémorais cette embrassade unique partagée avec une fille, ma chère Aïcha, alors que nues toutes deux nous nous réfugions l’une contre l’autre. Ce fut dès lors pleine de terreur que je toisais Fara contenant difficilement mon envie de me jeter sur elle, de la déshabiller pour contempler le velours de sa peau de pêche et me perdre dans ses bras.
    
    Comme celui vécu avec Aïcha, nous n’évoquâmes plus jamais cet épisode, mais il scella entre nous une complicité profonde et sensuelle. Nos poignées de main s’accompagnèrent inévitablement d’une caresse, nos bisous dérapaient vers nos lèvres et nos yeux échangeaient des convoitises d’autant plus puissantes qu’elles demeuraient secrètes.
    
    o-o-O-o-o
    
    Elzbieta, elle, habitait seule au rez-de-chaussée un studio qui s’ouvrait sur un minuscule jardinet par une baie vitrée. C’était une grande et belle femme, un rien pulpeuse et tout en aguichantes rondeurs. Elle était blonde, d’un blond naturel qui encadrait son visage de longues mèches soyeuses, ondulant doucement jusqu’à sur sa gorge. Une fossette très slave entaillait l’extrémité de son mignon petit nez à ...
    ... peine retroussé et elle aimait surligner la pâleur de sa frimousse d’un vif éclat vermillon qu’elle inscrivait sur ses lèvres avec un rien de provocante polissonnerie. Ajoutez l’azur de ses iris et devinez l’effet sur mon Berbère de mari. Une légère lordose creusait ses reins et semblait toujours la jeter en avant. Elle avait une voix de fausset perchée étonnamment haut chez une personne de sa taille. Elle était originaire d’un modeste village au pied des Tatras dans la région de Zakopane.
    
    À Chochołów(5), nous racontait-elle, toutes les maisons étaient intégralement en bois, faites de gros rondins massifs parfaitement ajustés. Une autre particularité tenait à leurs portes très basses qu’on ne pouvait franchir qu’en se penchant et en face desquelles trônaient des gravures du Christ. Ainsi, à chaque fois qu’on changeait de pièce, on s’inclinait nécessairement devant elles. Entre les tyrannies communiste et catholique, elle ne marquait aucune préférence, aussi lorsqu’elle avait rencontré Luc à Zakopane, elle l’avait épousé pour fuir son pays. Lui, volage, l’avait abandonnée presque aussitôt, alors qu’ils venaient de s’établir à Montpellier.
    
    Elle officiait à présent à mi-temps comme serveuse dans un restaurant, riait à tout propos, parlait de ses malheurs en s’en moquant et à chaque fois que je la quittais, je me sentais presque en apesanteur tant elle dissipait les tracas quotidiens. Elle dînait souvent chez nous, nous emportant dans des hilarités hautement communicatives. ...
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