1. La Vie de Solange, ou les mémoires de la Comtesse de *** (2)


    Datte: 31/05/2019, Catégories: Hétéro Auteur: Mir, Source: Xstory

    ... reprocherait car je suis femme, au point de causer ma perte, pour ne pas dire ma mort en m’abandonnant sans défense ni argent ni famille !
    
    Je serrais ses genoux de mes deux bras, sanglotant de détresse. Mon cousin restait à l’écart, impuissant. J’étais à la merci de mon frère, cet être orgueilleux, manipulateur, égoïste, qui manifestement me méprisait depuis ma naissance.
    
    - Relevez-vous, ma sœur.
    
    Tremblante, je n’osai m’exécuter. Mon frère saisit brutalement mon bras et me tira.
    
    - Allons, debout, vous dis-je ! Vous n’êtes qu’une catin, mais ce cuistre de Comte ne mérite pas mieux. Il vous épousera donc, mais d’ici-là vous m’êtes redevable.
    
    - Oh mon frère, merci, je ne sais…
    
    - Taisez-vous, garce ! Redevable, dis-je.
    
    Je ne pus m’empêcher de frémir. Le regard de convoitise que mon frère posait sur moi m’inquiétait, presque autant que la perspective précédente de savoir mon commerce avec mon cousin et ma défloraison révélés.
    
    - Comme vous le savez, je fus malheureux au jeu dernièrement et notre, enfinmon père refuse de couvrir mes dettes. Vous allez donc m’aider, ma gentille et noble sœur ; puisque vous m’avez vu agir avec les filles du peuple et que vous-même avez consciencieusement imité mon exemple, vous saurez que faire pour me permettre de rembourser ce que je dois.
    
    J’interrompis du geste mon cousin, qui s’apprêtait vraisemblablement à étrangler mon frère. Je m’étais montrée extrêmement imprudente ; dans ce monde qui ne ...
    ... pardonnait rien aux femmes je n’aurais jamais dû m’exposer ainsi. Il m’en fallait désormais payer le prix, d’une manière ou d’une autre.
    
    Je soupirai.
    
    - Bien, comme vous le voudrez…
    
    Mon frère me toisa avec suffisance et partit. Mon cousin, désemparé, m’aida à me rajuster et me laissa me blottir longuement contre lui. Je voyais qu’il n’osait rien dire : il n’avait sans doute que trop conscience de son impossibilité à m’aider, tant les hypocrites convenances sociales me donnaient tort et me laissaient à la merci de mon frère.
    
    J’eusse voulu avoir le courage, l’audace, de mépriser cet ordre moral injuste et tant opposé aux progrès que connaissait notre siècle, mais quel prix eussè-je dû payer ? Le couvent pour éternelle punition ? Le reniement de mon père et la misère pour moi ? La prison voire pire pour mon cousin, puisque le commerce charnel avant le mariage était considéré comme un crime passible de mort pour l’homme pervertissant la fille déshonorée ? Mon pauvre cousin, que j’aurais tant préféré comme époux à celui que l’on me destinait… Quand je songeais que Diderot, ce philosophe que j’admirais tant, avait été emprisonné sur ordre de son propre père pour avoir osé faire sans son consentement un mariage d’amour, je n’osais envisager aucune de ces possibilités, tant elles m’effrayaient. Il me fallait donc accepter les conséquences de mon imprudence et veiller à me montrer, à l’avenir, plus avisée : car je ne renoncerais pas à ma liberté. 
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