Les obsèques joyeuses
Datte: 14/04/2019,
Catégories:
fh,
historique,
policier,
Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe
... discernable dans la voix du moine. Mais Arbogast ne veut pas finasser avec lui et préfère expliquer tranquillement :
— Il y a beau temps qu’elle a compris mon manège. Elle est bien trop fine pour se laisser abuser, mais elle comprend ma ruse et s’en accommode. C’est plutôt moi Mon Père qui ai désormais bien du mal à m’en satisfaire. Je pensais d’ailleurs que… Enfin… Je pourrais peut-être…
— Que pourrais-tu, maraud, crache le morceau, demande brutalement le religieux. Comment comptes-tu te défaire de cette comédie de vingt ans et plus ? Crois-tu pouvoir marcher droit demain, oublier tes grimaces et pérorer comme un damoiseau sans que quiconque s’en étonne ? Pour expliquer pareille chose, il te faudrait pour le moins le concours… d’un miracle ! Un miracle, voilà à quoi tu penses n’est-ce pas ? Un miracle ! Voilà tout ce qu’il demande le drôle ! Et d’où te viendrait-il ce miracle ?
Loin d’être intimidé par la grosse voix du religieux et l’index pointé qu’il lui passe sous le nez, Arbogast explique tranquillement :
— Je pensais me rendre sur le tombeau de mon Saint Patron, Arbogast (4), à Strassburg…
— Et en revenir droit comme un i, faraud et bavard ! Blasphémateur, calculateur, tempête le Révérend Père.
Puis, se radoucissant brusquement, le religieux continue, avec un petit sourire :
— Malin et rusé ! Va, je comprends que cette ignominieuse comédie te pèse et je conçois quelque honte à t’avoir depuis si longtemps contraint à en poursuivre le jeu. Mais, que tu ...
... fasses le joli cœur, d’accord, par contre, ne t’avise jamais de jouer au miraculé ! J’ai ta parole, tu ne tenteras pas d’utiliser ce prodige ! Alors donc, je t’accompagnerai moi-même, ou plutôt, c’est toi, officiellement, qui m’accompagneras dans mon prochain pèlerinage à Notre Dame. Dès que cette fichue histoire de meurtre sera résolue, tu en as ma parole. Mais d’ici là, prends garde, et veille au silence de ta mie !
Se parlant à lui-même, le Bon Père commente :
— C’est le miracle de l’amour qui transforme le bossu en galant ! Et tout ça parce qu’elle a de charmants petits yeux noisette…
— Elle n’a pas que cela de charmant, avoue le jeune homme.
— Oh, je t’en prie Arbogast, n’aggrave pas ta situation !
Amusé, le bon Père est prêt à libérer son complice. Mais il cogite quelques instants, en revient à ses interrogations avant de demander :
— Et le médaillon, as-tu trouvé mention du médaillon ?
— Non point, Mon Père, mais je n’ai pas fini !
— As-tu découvert d’autres étrangetés, du genre de ces pommes ?
— Ma foi, rien de très précis pour l’instant mis à part… l’allusion à un jardin…
Arbogast feuillette le volume et pointe une phrase :
— Voyez, il est question icides trois grades du chemin du verger des espoirs… La phrase, et même tout le paragraphe, est bizarrement calligraphiée… Et le Père Herter y mélange, voyez vous-même, l’oïl, le Hoch Deutsch, le latin, l’alsacien et une langue inconnue. Difficile d’en faire une traduction fidèle !
—Les trois grades ...