1. Les obsèques joyeuses


    Datte: 14/04/2019, Catégories: fh, historique, policier, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... dire, ces ligueurs en consommaient parfois des tombereaux entiers ! Mais la ruse ne m’abuse pas, ces pommes étaient des sommes, de bonnes pièces d’or ou d’argent, avec lesquelles les comploteurs repartaient pour financer leurs projets…
    
    Un air de triomphe illumine le visage du Prieur qui n’a pas réellement écouté jusqu’à son terme les explications d’Arbogast :
    
    — Ainsi donc, j’avais raison ! s’exclame-t-il en lançant une bourrade à son élève.
    
    Tout à son triomphe, le religieux prend le jeune homme à témoin :
    
    — Que penseras-tu Arbogast, si je te dis qu’Ulrich n’est pas mort d’avoir été châtré, mais… étouffé par une pomme sous son bâillon !
    
    Arbogast, comme tout un chacun, ignorait ce détail mais comprend vite :
    
    — J’en dis, Mon Père, que, sans savoir comment vous l’avez pressenti, vous m’avez en tout cas orienté dans la bonne direction en me faisant décrypter ces chroniques. La pomme serait… marque de reconnaissance ? Signature ? Croyez-vous les assassins du Comte liés à ce groupe d’hommes ? Vingt-cinq ans après…
    — Il me semble bien, mon Fils, il me semble bien ! Bon travail mon Fils, continue !
    
    Arbogast affiche mine moins réjouie que le religieux. Depuis mardi matin qu’il est là à étudier dans ce bureau, le temps commence à lui paraître longuet. Deux pleines journées à déchiffrer les textes abscons de Herter, une longue nuit passée penché sur ces écrits, le jeune homme se sent harassé et a désormais besoin d’air. Et le seul souffle qui puisse le rasséréner ...
    ... désormais, il voudrait bien pouvoir le quérir dans les baisers étourdissants de sa mie.
    
    — Mon Père, j’aimerais fort marquer une pause, sortir, passer la nuit dans mon lit. J’ai besoin de m’aérer un peu, mon esprit s’embrouille quelque peu à force d’étudier…
    
    Le jeune homme est visiblement embarrassé et ses explications peu convaincantes. Le moine a tôt fait de lire en son visage et, aussi surpris qu’amusé, presse le garçon de s’expliquer :
    
    — Que me dis-tu là ? Tu n’es point si pressé d’habitude de quitter ce havre, tes chers livres et la bonne chère du couvent… Me cacherais-tu quelque chose, gaillard ? Faut-il que je te reçoive en confession ?
    
    La mine embarrassée du jeune homme est explicite et Augustus s’amuse de sa gêne. Pour faire bonne mesure, le moine en rajoute :
    
    — Se pourrait-il que rassasié de mots et plantureuses victuailles, tu ne connaisses céans une autre fringale ? Dis-moi tout mécréant, quelle ribaude t’a perverti ?
    — Ce n’est point une ribaude mais jeune fille sincère, se défend Arbogast avec véhémence.
    
    Puis, baissant le ton, le jeune avoue :
    
    — C’est Sylvette, ma voisine ravaudeuse…
    — La petite ravaudeuse, finaude et guillerette… Ainsi donc, cette petite rusée t’a mis la main dessus. Tu aurais pu trouver pire, mon garçon, que ce tendron aux charmes épicés. Tu as du goût mon gaillard, mais peut-on en dire autant d’elle ? A moins… à moins qu’elle ne t’ait découvert…
    
    Sur cette dernière interrogation, une pointe d’inquiétude était nettement ...