1. Les obsèques joyeuses


    Datte: 14/04/2019, Catégories: fh, historique, policier, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... rebelle. Son sens de la contradiction mais aussi ses valeurs de droiture et de justice l’avaient plutôt poussé à la révolte contre une Église aux valeurs incertaines. À la Bible de Constantin, il avait préféré le discours des Évangiles apocryphes, aux rituels fastueux, il préférait la vie simple du couvent. Pour autant, il n’était pas saint homme, et s’il respectait sans encombre son vœu de pauvreté, il n’en allait pas de même pour les chapitres chasteté et modération. Fondamentalement épicurien, l’homme avait un véritable goût pour la table et la chair. S’il pestait contre cette Église encore capable d’élire, il y a peu, des papes de père en fils, il s’octroyait de céder sans remords à ses péchés véniels : il n’était pas une contradiction près.
    
    — Alors Arbogast, dis-moi, qu’as-tu découvert sur Valstaff ?
    
    Surpris en pleine concentration, le jeune homme met quelques instants à reprendre pied dans la réalité. Visiblement enthousiaste, il se rapproche du moine et explique :
    
    — J’ai appris déjà qu’il était homme de bien. Les chroniques du Père Herter décrivent un Comté heureux et prospère, où chacun vivait en harmonie avec son voisin. Valstaff apparaît comme un homme intelligent, pieux, respecté de tous et respectueux de chacun, capable de sévérité mais toujours juste et équitable. Vraiment, le Comté semble avoir connu avec lui une période de bonheur et de prospérité.
    — Rien à voir avec feu le brutal Ulrich.
    — Sans nul doute Mon Père. Le Comte Valstaff était non ...
    ... seulement aimé et respecté dans son Comté, mais son aura brillait bien plus loin. Un groupe de seigneurs voisins, dont le puissant Seigneur Schlecht de Kaysersberg et quelques bourgeois des villes de Colmar et Strassburg lui étaient très proches. Il semblerait que ces gens se réunissaient régulièrement et Valstaff tenait rang de meneur : ces gentilshommes, après avoir soutenu, comme d’autres, l’Empereur Henri V (1), se déclaraient déçus par son revirement et son opposition au Pape Pascal II, un des dignes successeurs de notre bon Pape alsacien Léon IX d’Eguisheim (2). Au-delà du conflit religieux, ces hommes s’étaient ligués aussi pour tenter d’obtenir le statut de villes libres pour Colmar, Schlettschadt et quelques autres cités (3). Plus surprenant encore, ils souhaitaient également améliorer le sort des serfs et métayers.
    — Bon nombre de raisons qui ont poussé le Kaiser à jeter Heiligenstein à l’assaut des murs de Valstaff. Et on connaît la suite…
    — D’après les chroniques, cette ligue semblait disposer de moyens importants et le bon Père Herter me paraissait en tenir les comptes. Ceux-ci apparaissent sous forme déguisée : il n’était jamais question d’or ou d’espèces sonnantes et trébuchantes, mais à chaque réunion, votre prédécesseur rapportait le nombre de pommes grignotées. Quelquefois, il y en avait tant…
    
    Augustus bondit de sa chaise, interrompt brutalement Arbogast :
    
    — Des pommes, as-tu dit ?
    — Ma foi oui, des pommes, répond le jeune homme amusé, et comme j’allais le ...
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