1. Hôtel des femmes


    Datte: 24/03/2019, Catégories: f, ff, fff, religion, bizarre, hotel, douche, dispute, miroir, pied, jouet, fantastiqu, fantastiq, Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe

    ... prostituées et des vagabondes dont personne ne se souciait que des filles de haute et ancienne noblesse qu’il m’a fallu séduire en prenant de grands risques. Comme j’étais issue d’une famille bourgeoise au-dessus de tout soupçon, et que je prenais soin à ce qu’il n’y ait pas de témoins à mes repas quelque peu particuliers, les gendarmes ont éprouvé quelques difficultés à me serrer : cela s’est finalement produit lorsque l’une de mes victimes a survécu à ses blessures.
    
    L’enquête a suscité une série d’expertises, avec des « experts » que l’on a été chercher dans les églises aussi bien que dans les asiles d’aliénés. Après m’avoir interrogée à grand renfort d’instruments barbares, et violée avec tous les raffinements imaginables, les curés ont affirmé que j’étais possédée par un démon issu de l’ancienne Gomorrhe, puis les docteurs ont qualifié ma folie meurtrière d’irrémédiable : pour une fois, la science et la religion sont tombées d’accord. De nos jours, les psychiatres me diraient psychopathe, car je prenais un réel plaisir à ôter la vie de mes victimes, à l’aide d’un couteau de boucher soigneusement affûté, comme celui-là. Mais c’était par la douceur, le charme et la séduction, et non pas la contrainte, que je parvenais toujours à ce qu’elles fussent consentantes à m’offrir leur chair frémissante et goûteuse. Bref. Ce diagnostic n’a pas empêché les juges de m’envoyer directement sous la guillotine, et je n’ai rien tenté pour les en dissuader, car je trouvais cette issue ...
    ... plutôt excitante. Il fallait bien, pour rétablir l’ordre public, déverser encore un peu plus de sang dans les entrailles d’une terre assoiffée. Mon cas a beaucoup intéressé les gens de loi. Les magistrats ont intrigué entre eux pour qu’on les charge de s’occuper de moi d’une manière définitive. Je crois que les jurés ont également pris un réel plaisir à me déclarer pleinement responsable de mes actes afin d’assister, au petit matin, à la petite cérémonie au cours de laquelle celle qu’on surnommait « la veuve » m’a tranché la tête. J’avais dix-neuf ans, et physiquement, je plaisais beaucoup aux hommes, bien que ce ne fût pas réciproque. J’ai toujours préféré les femmes, surtout gustativement.
    
    Elle me voit regarder la viande avec un regard suspicieux.
    
    — Rassure-toi, dit-elle en riant, c’est du bœuf. Madame Samovar l’achète spécialement pour moi au marché de La Roche-sur-Yon. C’est bon pour mon anémie, depuis que j’ai été décapitée : forcément, j’ai perdu beaucoup de sang. Elle est la seule à avoir le droit de quitter le village, pour l’approvisionnement.
    — Elle est aux petits soins pour nous.
    — Depuis deux siècles, elle a toujours été adorable. Pour en revenir à mon exécution, qui a eu lieu à la prison de La Rochelle en novembre 1817, j’ai obtenu le droit de ne pas avoir le visage recouvert d’un sac noir au moment fatal, d’être nue sur l’échafaud, les mains liées devant et non pas dans le dos, et même de me caresser : plongée dans la contemplation des étoiles, émerveillée ...
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