Hôtel des femmes
Datte: 24/03/2019,
Catégories:
f,
ff,
fff,
religion,
bizarre,
hotel,
douche,
dispute,
miroir,
pied,
jouet,
fantastiqu,
fantastiq,
Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe
... devant la Voie-Lactée, j’ai joui à l’instant même où la lame a séparé ma tête du reste de mon corps, dit-elle en mimant du plat de sa main l’action de la guillotine sur son long cou de cygne blanc. Ces messieurs faisaient cercle autour de l’instrument de mort sur lequel j’étais sanglée. Pantalons baissés sur leurs cuisses, ils pratiquaient l’onanisme avec application, y compris le prêtre qui venait de me confesser, et le bourreau dont la main qui n’empoignait pas son organe viril actionnait la corde fatale. Ma seule demande qui ne fut pas exaucée était d’être exécutée en public : trépasser nue, exhibée devant la populace ! Les familles des victimes craignaient le scandale et celles qui avaient du pouvoir avaient fait pression pour qu’on se débarrassât de moi dans le secret carcéral. J’avais toujours rêvé d’une fin semblable à celle de Robert-François Damiens, écartelé en place publique en 1757 pour avoir tenté d’assassiner le roi Louis XV.
— Je suppose que toutes ces faveurs ont eu un prix.
— Bien-sûr : rien n’est gratuit dans le monde carcéral. Pour obtenir tous ces privilèges, j’ai dû accueillir les hommages de différents messieurs, dont le procureur du roi, le directeur de la prison, le bourreau, certains gardiens, mon avocat ainsi que chacun des jurés, tous ceux-là à tour de rôle sur la paille de ma cellule de deux mètres sur trois et uniquement des hommes, car les femmes n’ont été admises dans les cours d’assises qu’à partir de 1944 – sauf comme accusées, bien sûr ! ...
... Cette expérience a été pénible, mais j’ai accepté toutes ces souillures masculines comme un prélude à mon inévitable damnation éternelle. Une fois morte, je les ai vus, dans la cour de la prison, alors que le jour se levait à peine, s’exciter à grands coups de bites sur mon cadavre, la bave aux lèvres, comme des vautours affamés de luxure conviés par le Diable à un festin macabre, et, loin de ressentir de la haine, j’ai eu pitié d’eux. Tout ceci, naturellement, dans le plus grand secret : les seuls témoins, à travers les barreaux de leurs cellules, étaient d’autres condamnées à mort qui ne risquaient pas de raconter quoi que ce soit à l’extérieur, mais qui ont bien profité du spectacle. Non, je ne maudis personne, ni eux ni ceux qui m’ont torturée, comme je n’ai jamais maudit mes pulsions démentielles qu’ai toujours accueillies sans jamais chercher à les expliquer. Ces mystères sont les ombres dont la lumière a besoin pour sculpter l’humanité.
Comme je n’ai plus faim, assise en face d’elle, je lui masse les pieds pendant qu’elle évoque ces souvenirs en finissant son repas. Elle ne dit rien d’explicite à mon sujet, mais son regard en dit long sur le désir qu’elle me porte. Vraiment, aussi cinglée (ou mythomane ?) soit-elle, avec ses yeux séraphiques, elle est belle, d’une beauté discrète, silencieuse, retenue dans son expression et pourtant, je sens le feu intérieur qui la dévore. Elle est morte comme je le suis, et pourtant, nous sommes plus vivantes que jamais dans cet ...