D'ébène et d'opale - 1/2
Datte: 06/03/2019,
Catégories:
fh,
fplusag,
couleurs,
miroir,
Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe
... redresser et de faire deux pas avant que sa porte ne s’ouvre et qu’il ne me hèle :
— C’est combien ?
Ironise-t-il, ou me prend-il vraiment pour une prostituée ? Je ne sais, mais cette méprise me détend et m’amuse plus qu’elle ne m’indigne. Sur un ton de plaisanterie – et pour être dissuasive en annonçant un tarif exorbitant, bien qu’ignorant tout de celui des professionnelles – je rétorque :
— Cinq cents euros.
Une seconde, son visage se fait grave puis, d’une voix mal assurée, il me jette :
— Ça marche.
Il franchit la faible distance qui nous sépare puis, me prenant par le bras, presque déférent comme si nous formions un vieux couple, il m’entraîne pour me faire pénétrer dans un studio agréable, vaste, fort bien rangé, élégamment meublé et que baigne une exquise pénombre. L’action a été si foudroyante qu’elle m’a ôté toute possibilité de réaction et que je n’ai rien vu venir. Elle s’est entourée de tant de civilité qu’il aurait été ridicule de se débattre ou de hurler pour ameuter les populations.
Toute des lumières extérieures encore éblouie, l’obscurité ambiante achève de me déboussoler. Sitôt la porte refermée, il me relâche pour me proposer très cordialement de préparer un café. Cette offre me sauve car je reste abasourdie mais vais ainsi disposer de quelques minutes pour me ressaisir et recouvrer mes esprits ! Rien – si ce n’est l’inélégance du geste et mon étourdissement – ne m’empêche de prendre mes jambes à mon cou et de déguerpir ...
... promptement. Des sentiments contradictoires m’assaillent, mêlant la peur d’être brutalisée, violée peut-être, à la confusion de m’être mise dans cette situation absurde et de céder à une sourde attirance. Si sa détermination m’a impressionnée autant qu’inquiétée, sa nonchalance débonnaire présente me rassure. Tout ceci se conjugue à cette langueur qui, il n’y a que quelques instants, me remuait les entrailles, que j’avais si intensément entretenue et développée qu’elle m’a tendue toute entière vers mon amant et a allumé des envies qui me poursuivent en dépit des regrettables événements actuels.
Cette flamme qui a été besoin d’amour ne menace-t-elle pas de se convertir en vulgaire appétit charnel, car assurément il est bien beau garçon, jeune et élancé, fort et musculeux, aux traits réguliers et au visage avenant ? Une brève seconde, j’imagine les sensations qu’on doit goûter en étouffant dans la vigoureuse étreinte de ces bras. Mais comment pourrais-je ? Et surtout, comment dénouer cet imbroglio avec tant soit peu de dignité ? Lui, s’active paisiblement devant la cafetière. Une nouvelle fois, j’hésite à m’enfuir ; mais fi, dès lors, de l’élégance, et je pense qu’il vaut mieux s’expliquer, qu’il ne s’agit que d’une plaisanterie que les circonstances ont transformée en malentendu : il n’a pas l’air entêté et saura comprendre.
Il demeure silencieux et affairé, semble lui-même en proie à des doutes profonds. À maintes reprises, j’ai l’impression qu’il s’apprête à me causer, mais au ...