1. D'ébène et d'opale - 1/2


    Datte: 06/03/2019, Catégories: fh, fplusag, couleurs, miroir, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... si cette pensée n’est pas exempte d’une secrète fierté scrupuleusement occultée. Après bien des tergiversations, je décide finalement de m’en emparer et me retrouve bientôt dans la ruelle où à la sereine et vivifiante fraîcheur matinale succède une affreuse fournaise, où une lumière uniforme et aveuglante se substitue à la palette des teintes contrastées. Décidément, cette matinée, sous les formes les plus diverses, se plaît à opposer le noir et le blanc.
    
    À peine ai-je claqué la porte derrière moi, que voilà qu’elles ressurgissent. Je les devine sur mes talons, les deux sermonneuses impénitentes, et la puritaine et la sybarite liguées, également désespérantes, me poursuivant de leurs réprimandes remontrances ulcérées. Et je presse le pas tant elles me semblent tangibles, me désignant du doigt à la vindicte publique. Une importante affluence encombre la rue qui bruit d’activités. Je me dépêche de la quitter, en proie aux regards réprobateurs des badauds que j’imagine ricanant et commentant tous mes frasques. Je m’attends à être, à tout instant, hélée par un « Tu montes, chérie ? » tonitruant, déclenchant une trombe de rires complices.
    
    Combien de temps suis-je restée là-bas ? Je consulte ma montre mais suis bien trop perturbée pour me livrer à de fatigantes soustractions qui me paraissent un exercice tout à la fois malaisé, fastidieux, et surtout vain. De vénéneuses larmes de sperme tiède mêlées à moncythomiel s’écoulent de mon vagin et engluent onctueusement mes cuisses ...
    ... : remords exquis.
    
    De retour à l’hôtel, je me précipite sous la douche, non pour effacer les odeurs de mon sombre amant, mais celles de mes jouissances… vénales. L’eau dont je m’asperge, alternativement bouillante ou glacée, glisse sur mon corps sans m’apporter le peu de quiétude espérée.
    
    J’expédie ensuite un frugal déjeuner avant de m’affaler dans un transat au bord de la piscine. J’y passe mon après-midi dans une demi-torpeur hallucinée qui entrelace des images fantasques. Tantôt deux harpies, l’une jeune mais affreusement laide, l’autre vieille et jolie me déchirent, me tirant chacune par un bras dans des directions opposées ; tantôt au fond d’une caverne obscure, des prunelles et des dents éblouissantes de blancheur, luisantes de perversité me poursuivent. Des sursauts me tirent momentanément de ces assoupissements et je me réveille avec cette suave irradiation tout au fond de mes tripes comme s’il ne s’en était retiré il n’y a que quelques minutes seulement.
    
    Je me sens pleine de lui et cela me réjouit autant que me contrarie. Que c’est bon… mais quelle infamie ! Avant ce jour, j’ai voulu me persuader qu’amour et sexe devaient nécessairement coopérer, se renforçant l’un de l’autre. Ce matin, ils me sont apparus dissociables. J’hésite à croire que c’est à moi que ce soit advenu, et pourtant le feu qui couve en mon giron ne me laisse aucun doute, et ne serait-ce lui, je n’aurai qu’à rejoindre ma chambre d’hôtel pour y retrouver la scandaleuse liasse témoignant sans ...