Fin d'une illusion - Histoires de Sexe

Fin d'une illusion

... pensées.

Avais-je parlé à haute voix ? Était-ce une simple coïncidence ? Eva ne me laissa pas le temps d’épiloguer…

— Je comprends que tu aies du mal à l’admettre. C’est normal ! Moi-même, j’ai cru devenir folle ! J’avais le ventre ouvert, mon bébé était sans vie… Et tout à coup, je me suis retrouvée dans un lit d’hôpital, la tête bardée d’électrodes !
— Eva, je … j’ai fait tout ce qu’il était humainement possible de faire.
— Je sais, fit-elle, apaisante. Tu n’y es pour rien. Tu ne pouvais pas nous sauver, moi et le bébé.
— Je suis intervenu aussi vite que j’ai pu…
— Je sais, répéta-t-elle en prenant ma main. Keller m’a expliqué. Ça faisait partie du « scénario », de la thérapie. Une sorte d’électrochoc, qui aurait dû nous ramener tous les deux à la réalité.
— Quoi ?
— En volant à mon secours, tu étais censé te délivrer de tes démons, racheter ta faute – ou plutôt, ce que tu penses être ta faute ! – la mort sanglante d’Elodie et Manon… Quant à moi, cette césarienne constituait une catharsis, le moyen de me libérer de mes pulsions morbides, de me faire dépasser mes traumas. Mais au final, j’ai été la seule à me réveiller…
— Tu ne t’es pas « réveillée », Eva ! Notre fils est mort, et toi… tu es victime d’hallucinations !

Elle retira brutalement sa main de la mienne, me fusillant du regard. Ses yeux irradiaient de fureur et d’angoisse.

— Ce n’était pas NOTRE enfant ! Juste un avatar, une caricature ! Une sorte… d’accessoire inventé par Keller et sa clique ...

... pour nous faire redescendre sur terre, tu piges ?
— J’ai creusé sa tombe dans la terre gelée, quasiment à main nue. Tu te rends compte que nous n’avons même pas eu le temps de lui choisir un prénom ?
— Ça aurait pu marcher, Alain ! Mais non ! Il a fallu que tu t’accroches à ce cauchemar ! Pourquoi tiens-tu tant à souffrir ? Il te plaît donc tant que ça, ce monde ?
— C’est le seul que je connaisse ! Et il est réel, jusqu’à preuve du contraire !
— Pour toi, oui… Il le restera jusqu’à ce que tu acceptes la vérité. Ouvre les yeux, bon sang ! Les événements dont je t’ai parlé sont réels ! Ce sont eux qui t’ont amené ici !
— C’est IMPOSSIBLE ! Je n’ai jamais trompé ma femme, je ne connais aucune Céline Dumas ! C’est toi, qui inventes tout ça… Tu es en train de péter les plombs !

Elle se redressa avec une grimace de douleur. À cet instant, je réalisai à quel point Eva était faible. Seule une pointe de carnation en haut des pommettes venait rompre la teinte blafarde de ce visage. Et moi, qui accablais cette femme ayant frôlé la mort, cette mère que la perte de son enfant faisait divaguer. J’en fus soudain profondément honteux…

— Écoute, on va arrêter là pour aujourd’hui. Il faut que tu reprennes des forces, que tu te reposes. Je sais pas ce qu’il en est dans l’univers de Keller, mais dans ce monde-ci, t’as vraiment une sale tête !
— Toujours aussi doué pour les compliments…

Je me penchai pour l’embrasser. Elle détourna la tête, et c’est donc sur sa joue que je déposai mon ...