1. Amnesia


    Datte: 26/02/2019, Catégories: nonéro, fantastiqu, Auteur: Harold B, Source: Revebebe

    ... j’entends un son : le cri presque imperceptible d’une voix aiguë, probablement celle d’une petite fille en train de jouer.
    
    Mais où suis-je donc ? C’est horrible ! Cet endroit ne m’évoque rien…
    
    Je descends quelques marches, doucement. L’escalier tournoie sur plusieurs niveaux pour arriver enfin dans un immense salon, faiblement éclairé de cette même lumière blafarde provenant du dehors et ornementé de dizaines de meubles sombres, au style lourd, décoré de vastes tapis presque étouffants, sur le sol et sur les murs.
    
    Et au moment précis où je pose le pied sur la dernière marche retentit enfin un son fort, agréable, évocateur, même : celui d’un piano. Deux mains jouent sur un piano. Le son est rond, puissant, précis. Je connais cet air. Je sais que j’aime le son du piano. Je ferme les yeux.
    
    Je suis un homme riche, estimé, j’ai de l’or au bout des doigts. Je suis vêtu d’un costume noir, impeccablement taillé. Je marche sur la scène d’un petit théâtre, sortant des coulisses et avançant jusqu’à un grand piano à queue, également noir. De tout autour de moi émanent de vifs applaudissements. Je m’avance jusqu’à mi-chemin de l’instrument et m’arrête pour saluer le public d’une maladroite révérence.
    
    Un nouveau flash. Je rouvre les yeux. Qu’était cette vision ? Était-ce moi ? Avant ?
    
    Avant quoi ?
    
    Le son du piano s’éteint doucement. Je m’avance dans le vaste salon, à la recherche de l’interprète. J’aperçois enfin l’instrument, magnifique, plus beau encore que dans ma ...
    ... vision. Mais personne n’y est assis. Je parcours une nouvelle fois du regard la grande pièce, cherchant qui a bien pu jouer cet air si doux et si fort.
    
    — Oh là ! Il y a quelqu’un ? tenté-je d’une voix peu assurée.
    
    Pour toute réponse, le silence. Puis un crépitement sur ma gauche ; je me tourne pour découvrir une immense cheminée où quelques flammes agonisantes dévorent avec peine une solide bûche.
    
    Un cliquetis de verre ; une odeur d’alcool ; des voix entremêlées. Une quinzaine de personnes sont là, devant moi, debout au beau milieu du salon. Toutes ont un verre à la main et trinquent d’un air satisfait. L’une d’elles s’approche de moi ; c’est une femme, richement vêtue. Son sourire inquisiteur en dit long sur ses intentions. Je la prends quand même dans mes bras.
    
    Encore un flash. J’ai les jambes tremblantes et la bouche sèche. J’attends, quelques minutes, cherchant toujours à me rappeler, à savoir qui je suis et ce que je fais là.
    
    Mais rien ne revient. Et toujours personne ici pour m’aider. Celui ou celle qui vient de jouer du piano s’est volatilisé.
    
    Je finis par aviser, à l’autre bout du salon, la lourde porte principale de la pièce, menant probablement à l’extérieur, dans le jardin que je dominais précédemment depuis la chambre où je me suis éveillé. Je m’avance, toujours aux aguets, puis ouvre cette porte.
    
    Tout est gris dehors ; une sorte de brume semble étouffer la campagne environnante. J’entends quand même quelques oiseaux. Je fais quelques pas sur ...
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