Nuits d'oppression
Datte: 16/02/2019,
Catégories:
forêt,
voyage,
bateau,
nonéro,
journal,
fantastiqu,
fantastiq,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... le bastingage, j’avais bu deux bouteilles d’eau de vie, seul alcool sur le bateau. Il est resté là un bon moment, tandis que je me laissais bercer par le roulis ; la fraîcheur de la nuit apaisait mes pores dilatés et échauffés par l’alcool, mais aussi, glissait en moi un frisson glacial qui me poussait à toutes sortes d’illusions et de chimères. Si je pouvais tomber…
En bas, dans l’eau noire, dont la lune, faible halo, n’arrivait pas à percer la surface…
Je ne peux plus supporter ce calvaire. Depuis quelque temps, les nuits sont glaciales et produisent un terrible processus de prostration dans mes chairs. Je me pose à un endroit et je ne bouge plus.
Dans l’obscurité de la nuit, il me semble distinguer des volutes pâles et étranges, montant à l’assaut du navire, s’enroulant autour de mes jambes, de mon cou, m’étouffant de leur voile glacé. Un chuchotement, ténu et lancinant, paraît accompagner ce phénomène inconnu, et moi, je tremble violemment, de plus en plus angoissé.
Est-ce que j’entends bien des voix ? Si c’est le cas, que me disent-elles ?
Depuis quelques jours, je ne croise plus personne, et j’entends parfois un cri, un choc sourd faisant vibrer les parois du bateau ; et même des bruits d’éclaboussure, comme si tout le monde se jetait dans le fleuve. Y a-t-il des survivants ? Je l’ignore.
Secoué par les spasmes de la terreur, je demeure dans mon lit, les oreilles tendues à l’extrême pour capter le moindre son ; les rats qui se faufilent entre les ...
... caisses, dans la soute, le grincement du bois, les craquements qui font trembler le sol, quelques oiseaux de proie qui lancent leurs cris de hargne, dehors, dans l’air froid.
Approchons-nous du port ? Le froid veut-il signifier que nous avons complètement changé de cap ?
Il me semble de plus en plus improbable d’accoster un jour. Nous serons peut-être tous morts d’ici là. Il n’y a presque plus de nourriture. J’ai dû manger un rat l’autre nuit, car je ne trouvais plus de sacs de jute contenant les patates moisies.
Jamais je n’aurais cru vivre quelque chose d’aussi absurde. Pourquoi le capitaine ne conduit-il pas le bateau sur les rives, pour que nous descendions à terre ? Sent-il également le danger qui entoure la forêt ? Est-il mort ?
Je me mets souvent à pleurer, je pense à toute ma vie passée. Des larmes qui roulent sur mes joues au même rythme que le bateau qui roule sur le fleuve à demi endormi. J’ai beau me débattre, serrer la maigre couverture contre ma bouche, je ne peux m’empêcher de sangloter.
Des images intenses et douloureuses passent devant mes yeux humides, je revois ma fille, ma femme, je les revois toutes les deux, en de multiples scènes que ma mémoire a hélas conservées ; je les revois mortes également, je ressens encore ma souffrance, comme un couteau qu’on enfoncerait en moi pour me fouailler le cœur ; et l’absence, le silence.
L’absence, le silence…
Le silence…
À travers mes délires, je perçois encore des hurlements, et puis il y a ...