Merci, Julie
Datte: 28/01/2019,
Catégories:
fh,
copains,
vacances,
toilettes,
Oral
nopéné,
prememois,
Auteur: Lise-Elise, Source: Revebebe
... deviens jour après jour un peu plus invisible. Familier, certes, mais comme un verre à dent ou un coussin. Celui qu’elle appelle à deux heures du matin pour la dépanner après un plan foireux, ou avec qui elle révise son anglais. Pour tester les capotes à la fraise ou l’amour dans l’eau, elle appellera quelqu’un d’autre. Ça me frustre autant que ça me soulage
Je fais un calcul. Idiot ou pas, à vous de voir, mais comme la durée moyenne d’une relation pour Julie est de 72 heures, ma prudence a des airs de sagesse. Julie veut tout essayer. Les hommes, les positions, les fantasmes. Il ne me reste donc qu’à être attentif, et ne pas louper l’instant où elle voudra tenter une relation stable.
Avec moi, de préférence.
En attendant, j’occupe le terrain.
C’est ainsi que je lui avais proposé de passer trois jours avec moi chez ma marraine. Elle se plaignait de devoir rester dans ses neuf mètres carrés réglementaires pour le pont du premier mai, et moi je savais que Tantie m’accueillerait les bras ouverts, accompagné ou non. Le bocage normand n’avait jamais eu tant de charme. Pour Julie, il avait des airs d’Eldorado.
J’avais un peu insisté au téléphone :
— C’est juste une copine.
J’avais même ajouté, pour faire bonne mesure :
— Elle est sympa.
Les mimiques amusées de Tantie à notre arrivée me montrèrent combien j’avais loupé mon coup. Mes intentions étaient transparentes. Pour ma marraine au moins.
Mais voilà, j’avais Julie à moi, trois jours. Pour moi et ...
... moi seul, la fermette normande de Tantie ayant l’avantage insigne d’être dans une zone non couverte par les opérateurs de téléphonie mobile. Ce que la femme de mes pensées constata en arrivant, avec un peu de fatalisme. Et sans s’y attarder.
— Oh, y’a des vaches !
Éberlué, je la vis se précipiter sur la clôture, dévorant des yeux les placides normandes qui paissaient tranquillement.
— Si tu veux, on pourra aller voir la traite, ce soir. Je pense que Jean-Bat’ sera d’accord…
— C’est vrai ? On peut ?
Et voilà que je découvrais que Julie, ma Julie, n’avait jamais fichu les pieds à la campagne, ce qui est un comble quand on habite Amiens.
— Tu comprends, mes parents, avec la boutique, ils n’avaient jamais le temps. Quand je vois des vaches, c’est à la télé où pour l’animation « ferme en ville ». Ou dans le train aussi, quand on va à Paris.
Je lui dénichai une paire de sabots, histoire qu’elle ne ruine pas ses ballerines, et je filai illico chez le voisin : bien qu’il ait quatre ans de plus que moi, on pouvait dire qu’on avait gardé les cochons ensemble. Au sens propre.
Je connaissais la ferme mieux que ma poche, j’y avais joué à cache-cache pendant toute mon enfance. Julie était fascinée : les lapins, les poussins, les vaches, le tracteur, la moissonneuse batteuse, le grenier à foin, la laiterie, tout ça lui paraissait incroyable. Plus incroyable encore, Jean-Bat’, me voyant dans la cour, me demanda de lui donner un coup de main pour ajuster le semoir :
— ...