Trois mois de vacances
Datte: 13/01/2019,
Catégories:
fh,
hplusag,
voyage,
amour,
Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe
... baisez pas puisque je ne vous inspire pas, reprend-elle sur le ton de la taquinerie, mais restez avec moi. Parlez-moi.
— Déjà, réponds-je sur le même ton, je ne vois pas bien où je pourrai aller vu le temps. Ensuite, vous allez m’aider à préparer le poisson.
— Vous savez bien que je déteste ça !
— Justement, ça vous occupera l’esprit.
Nous vidons les poissons. À chaque coup de tonnerre, Mai Line me prend la main, le bras, ce qui est à sa portée. Elle a besoin de ce contact physique. Je ne sais pas pourquoi, image du père peut-être, mais je la rassure. Entre deux déflagrations, je peux même aller chercher du bois dans l’autre pièce. Pendant que le poisson cuit sur la grille que j’ai bricolée, nous nous asseyons en tailleur à même le plancher devant la cheminée. J’ai sorti une de bouteilles de scotch. Bien que, selon ses dires, elle n’aime pas, les circonstances exceptionnelles font que je n’ai aucun mal à la convaincre de m’accompagner.
Pour lui faire oublier l’orage qui gronde, je tente de la faire parler. L’alcool lui délie la langue, nous délie la langue. Un tabou est levé. Le traumatisme était tel que jamais nous n’avons parlé du naufrage. Pour la première fois, nous évoquons les autres, ceux qui sont morts ce jour-là. Les peurs, les terreurs, tous ces mauvais rêves qui hantent nos nuits. Je passe derrière son mur. Je découvre sa fragilité. Je l’oriente vers sa vie. Elle me parle de ses rêves, de ses ambitions, de ses déceptions. J’apprends ainsi qu’elle est ...
... bardée de diplômes, qu’elle accompagnait un industriel français en Nouvelle-Zélande en tant qu’ingénieur agronome. Elle devait superviser un projet viticole. Lequel industriel lui avait proposé cette croisière pour le retour. Lequel industriel avait essayé de la violer le soir du naufrage.
— Quoi ?
— Oui, ce salaud m’a fait venir dans sa cabine sous prétexte de revoir un dossier.
— Et ce n’est pas le dossier qu’il voulait voir, je suppose.
— Plutôt mon cul ! Alors que je consultai un plan, il est passé derrière moi et s’est plaqué contre moi en m’empoignant les seins.
— Le salaud !
— Je me suis retournée en lui demandant s’il se sentait bien.
À cette évocation, ses yeux se mouillèrent.
— Arrêtez Mai Line, vous n’êtes pas obligée de…
— Si maintenant que j’ai commencé autant aller au bout ! Depuis que nous sommes là, je suis infecte, fermée parce que vous êtes un mec. Mais vous n’y êtes pour rien.
— J’espère que je ne suis pas comme ça ! balbutié-je en pensant aux envies que j’avais eues.
— Non, je sais. En tout cas ce fils de pute m’a cramponnée par les bras en se foutant en colère…
— Je comprends mieux !
— Qu’est-ce que vous comprenez mieux ?
— Votre accès de mauvaise humeur quand vous m’avez heurté.
— Ah ! c’était vous ! Je me suis comporté odieusement avec vous, mais à cette seconde, vous étiez un homme et je vous aurais bien flanqué votre plateau sur la figure.
— Je le conçois ! Mais lorsque vous m’avez agressé, j’ai pris ça comme du mépris.
— Du mépris ...