Descente au Paradis (6) - Histoires de Sexe

Descente au Paradis (6)

Suzanne ouvre les yeux.

Tout est blanc autour d’elle, à tel point qu’elle ne distingue même pas une ligne d’horizon ou le sol. Elle reconnait ce paysage : elle sait qu’elle rêve, et se retourne.

Bonjour Suzanne.

Encore une fois, elle ne perçoit la voix de l’homonculus qu’au travers de son esprit. Le petit être est de nouveau là. Il est le concept qu’elle prie le soir avant de s’endormir. Il est l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin ; ce qui s’approche le plus de ce qu’elle appelle Dieu. Il est une passerelle entre les mondes ; Il est.

Suzanne est de nouveau parfaitement détendue, et dénudée. Elle se souvient de son échange avec Lui, il y a deux jours, échanges qui ont échappé à son esprit. Lorsqu’elle se réveillera, elle n’aura plus aucun souvenir de ce nouvel échange ni de l’ancien, et ne s’en rappellera qu’au prochain. Ainsi fonctionne cette interaction étrange, à la croisée des mondes et des réalités.

— Bonjour à vous. Vous saviez que je finirais par revenir ?

Pourquoi poser la question alors que tu connais déjà la réponse ? Depuis que nous nous sommes rencontrés, tu as créé deux millions trois cent quatre-vingt-dix-sept mille cent vingt-deux temporalités différentes. A ton réveil, tu ressentiras une grande honte, une profonde frustration et une impuissance qui causera ta perte. Dans vingt-deux pour cent des scenarii possibles, tu iras même jusqu’à tenter le suicide. En fait, cette histoire se termine mal dans la très grande majorité des cas, ...

... d’une manière ou d’une autre.

Le petit homonculus se lève, et comme la dernière fois, vole jusque devant son visage.

C’est quelque chose que j’avais du mal à comprendre ; les anomalies statistiques sont en partie la raison pour laquelle je vous ai créé, et j’ai envie de comprendre. J’ai compris. Mais pour que mon omniscience fonctionne, il faut que l’expérience ait existé à un moment où à un autre : peut-être comprendras-tu, toi aussi ? Je connais déjà la réponse.

— Comment faire en sorte que cette histoire se termine bien ?

Je sais pourquoi je t’ai choisi ; tu ne le sais pas ? Précisément pour ça. Très bonne question : il se trouve que par un procédé chimique complexe, associé à une faible chance statistique et une mémoire partielle des évènements qui se sont passés, il peut arriver que demain matin, tu te lèves sans un regret. Entendons-nous, tu regretteras évidemment, mais tu ne ressentiras ni honte, ni frustration, ni impuissance. Pour simplifier du mieux possible, ton corps se sera accepté comme microcosme de moi-même. Il aura accepté n’être qu’un réceptacle de l’essence du monde, un photon, qui ne peut interagir avec les évènements qu’en les acceptant, en les portant le temps qu’il faut. Il faudra du temps pour que ton esprit fasse de même, mais dans absolument toutes les réalités où ton corps s’accepte, et que tu ne meurs pas par accident de manière prématurée, tu finis par devenir Moi, et ce faisant, Je deviens Toi. C’est ce processus qui m’intéresse.

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