Le rire de l'Ogre
Datte: 20/11/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
Humour
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... tel état d’esprit, je ne peux accueillir paisiblement l’arrivant, lui serrer la main avec un petit compliment très conventionnel sur la qualité de son œuvre. Il découvre un gamin aux yeux écarquillés qui lui bafouille son admiration avec des mots inappropriés mais d’une criante sincérité. Il se met à rire, ce rire qui lui est particulier. Je ris aussi. Nous nous sommes compris, trouvés, de façon définitive.
Deux jours à Château-Thierry et l’Ogre est déjà en « humeur de ribouldingue » selon son expression.
Naturellement, je serai du voyage.
Mais mon père ? Obtenir son accord relève de la gageure.
François déclare paisiblement qu’il fait son affaire du papa Sordon et effectivement, il te l’emballe en trois coups de rapière : du grand art. La conversation donne quelque chose comme :
— Charles j’ai besoin de ton fils. Nous allons effectuer un petit voyage à Paris et tu sais comment ça se passe, retrouvailles, on boit un coup et puis un autre et tout ça finit par un accident. Ton fils ne boit pas d’alcool, il pourra toujours nous ramener à la maison.
Papa voudrait sans doute objecter que tout cela est absurde, je ne possède pas le permis. Mais on ne discute pas avec l’Ogre qui répond de lui-même et à sa manière biaise aux objections avant qu’elles ne s’expriment.
— On fait comme ça, Charles ? Au fait, puis-je vous emprunter votre voiture ?
Papa hoche la tête à la manière d’un jouet mécanique. Il enrage, bien entendu, il bout intérieurement. Mais il a ...
... trop désespérément besoin de l’appui, des voix que peut lui apporter ce douteux allié pour s’autoriser à exprimer sa hargne.
François n’est pas dupe de cette excessive permissivité. Il en rajoute. Riant sous cape, il « réquisitionne » les services de notre employé de maison qui jubile à la perspective de deux jours de congés. Sonia, la secrétaire de papa sera aussi de la sortie : l’Ogre a « des vues » sur elle. La « réquisition » portera aussi, mais de façon plus discrète, sur une caisse de champagne que mon cher père réservait pour Dieu sait quel Grand Soir.
Le lecteur un peu attentif ne manquera pas de s’interroger sur l’absence de mère et d’épouse au foyer familial. Deux ans avant les événements ici contés, Irène Sordon, lasse de la compagnie de son bourgeois d’époux, s’était éprise d’un artiste itinérant – dresseur de chevaux, ou quelque chose d’approchant – et très paisiblement, elle a bouclé son bagage en annonçant qu’elle partait. À l’époux, elle a demandé de prendre soin de l’enfant, refusant de répondre, d’entendre seulement les protestations de ce compagnon dont elle ne voulait plus. Elle est partie. La Sainte Famille grimace aujourd’hui sitôt le prénom d’Irène jeté dans la conversation.
Trois jours durant, François nous entraîne dans Paris la fête, en l’une de ces bruyantes expéditions qui n’ont pas peu fait pour sa légende.
Par-delà les plaisirs de la chair, François me conduit sur les chemins plus excitants encore de l’écriture.
Un autre sous-titre ...