1. Le rire de l'Ogre


    Datte: 20/11/2018, Catégories: nonéro, portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    Le rire de l’ogre
    
    Premier sous-titre :Ce rire !
    
    François Ravelais attachait tant de prix aux sous-titres, « respiration de l’écriture » que je ne puis décemment évoquer son souvenir sans sacrifier à sa marotte.
    
    Ce surnom d’Ogre apparaît au début des années quatre-vingt sous la plume d’un journaliste, lorsque François Ravelais commence à créer sa légende. Ce surnom résume si bien le personnage, qu’il « collera » aux basques de François pendant les vingt années suivantes.
    
    Ogre par le physique. Maître François possède l’ensemble des attributs indispensables pour assumer ce rôle dans n’importe quel conte pour enfant : sa stature est imposante, son épaisse barbe très noire lui donne l’air farouche requis par le personnage, sa voix, basse et profonde, se prête à merveille aux répliques du répertoire : « Je sens la chair fraîche, ici ! »
    
    Ogre également par les appétits. Il mange comme quatre, avec un bonheur bruyant, chasse avec zèle les gentes demoiselles, les consomme avec une santé rarement en défaut.
    
    Au cours de l’une des nombreuses fêtes qu’il organise dans son chalet des Hautes-Alpes, la coutume naît de lancer des paris stupides. Pour réaliser l’un d’eux, François Ravelais fait une nuit résonner d’un solide coup de poing le toit d’une dizaine de voitures, lesdites voitures n’étant pas à l’arrêt naturellement : trop facile… La police s’en mêle, la police se mêle toujours de tout. François étale un représentant de l’ordre. Il s’en voudra ensuite de ce geste ...
    ... contraire à ses principes résolument non-violents. Il payera à sa victime et à sa famille, des vacances au soleil.
    
    Condamné à une peine de travail d’intérêt général, il ira d’école en école présenter une conférence traitant du racisme. Aucun des enfants qui ont assisté à cette prestation ne l’oubliera car le sujet imposé dévie à chaque fois, très vite, sur un cours très documenté de « vie pratique » dont le contenu varie selon l’auditoire et l’humeur du conférencier. François expliquera ainsi successivement comment entretenir sa chance, comment se comporter avec les femmes, l’art de l’écriture et même la recette de la tartiflette.
    
    Le métier des lettres lui a procuré la seule richesse à laquelle il aspirait : ce qu’il appelle sa « relative semi-liberté ».
    
    Je garde un souvenir très précis, très vivant, de la toute première fois où je découvre l’Ogre dans la « petite lucarne ». J’ai alors dix ou onze ans. Au « vingt heures », François Ravelais, venu parler de son dernier livre, se retrouve face à un ridicule petit coq, leader d’extrême droite très connu à cette époque et dont je ne citerai pas le nom, de crainte de salir ma plume. François possède déjà une réputation solidement assise de libertaire anarchiste : n’a-t-il pas publiquement incinéré ses pièces d’identité pour se proclamer « citoyen du monde » ?
    
    Prudemment, son vis-à-vis tente d’amadouer ce redoutable contradicteur en chantant ses louanges. Le style : « j’ai hâte de lire votre dernier livre », « j’ai a-do-ré ...
«1234...»