1. Ballade pour un Fossoyeur


    Datte: 10/02/2018, Catégories: vengeance, nonéro, mélo, Humour policier, fantastiqu, roadmovie, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... mort…
    
    Nancy était une femme de poids, une véritable cathédrale, qui semblait avoir la bouffe pour religion. Peinturlurée comme une radasse de Brooklyn, la taulière attendait le client accoudée à son comptoir vermoulu, l’œil fatigué et la clope au bec.
    
    — ’lut ! C’est pour manger ? lui demanda-t-elle, dès qu’elle fut sûre que ce grand costaud n’allait pas tourner les talons aussi sec.
    — Manger et dormir, les deux, répondit-il. Il vous reste des chambres ?
    — Sûr, qu’il m’en reste, s’esclaffa Nancy avec un rire gras, qui rappelait à Klaus celui d’un certain auto-stoppeur…
    
    Non, rien à voir, estima-t-il. Simple coïncidence.
    
    Il s’attabla dans un coin de la petite salle enfumée (Nancy fumait pas mal). L’endroit sentait le graillon, et des mouches gambadaient sur les carreaux sales. Il décida qu’il était trop affamé pour y prêter attention. Klaus commanda la spécialité du coin, accompagnée d’une bonne bière fraîche, en comptant sur la robustesse de son estomac pour éviter de s’intoxiquer. C’est qu’il n’avait pas vraiment le temps de choper la tourista…
    
    Le temps que son repas arrive, il se leva pour faire sa petite vidange dans les toilettes de l’arrière-boutique. Au passage, il jeta un regard soupçonneux au vieux croulant qui officiait derrière les fourneaux. Le « jules » de Nancy, sans doute. Ou son ancien maquereau, p’t-être bien…
    
    Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, la cuisine était relativement propre. L’appétit de Klaus remonta en flèche. Bon Dieu, ...
    ... qu’est-ce qu’il avait faim !
    
    Quand il tira à nouveau sa chaise sous la table branlante, il était servi, et pas qu’un peu. C’était pas une assiette qui l’attendait, mais carrément un saladier, débordant de viande fondante, au fumet succulent. La taille du broc de bière était plutôt sérieuse, elle aussi. Klaus attaqua son repas sans plus de cérémonie – toute façon, c’était pas son genre, marmonner des bénédicités.
    
    Au bout de cinq minutes, Nancy se radina avec un nouveau broc de bière. Le sien était encore aux trois quarts plein.
    
    — Celui-là, c’est la maison qui vous l’offre, fit-elle, avec un sourire doucereux.
    
    Puis elle repartit sans demander son reste.
    
    Un détail n’avait pas échappé au tueur : la nervosité de la taulière, au moment de lui apporter cette offrande inattendue. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Elle avait les foies, ou quoi ? se demandait-il.
    
    Un autre truc le faisait gamberger. Partout dans le monde, il y a une règle tacite qui lie l’aubergiste et son client. Le premier essaye d’arnaquer le plus honnêtement possible le second, lequel, en retour, à la politesse de ne pas trop la ramener. Ce principe universel - faire payer au client un prix trop élevé pour des prestations de faible qualité – semblait bizarrement ne pas avoir cours, au Nancy’s. C’était même l’inverse !
    
    Ces deux-là étaient en bonne voie pour couler leur affaire…
    
    À moins qu’ils ne comptent sur le bouche-à-oreille ? C’était une belle connerie, alors. On était à des dizaines de bornes de ...
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