La Veuve et le Bouc
Datte: 26/10/2018,
Catégories:
fh,
couleurs,
frousses,
vengeance,
pénétratio,
fsodo,
Humour
Auteur: Ali Henné, Source: Revebebe
... coulisser. Elle en sort un petit sac en velours bleu où tintent des pièces d’or. Cela devrait faire l’affaire. Le tout est de ne pas faire monter trop vite les enchères.
Dès le retour de Brahim elle l’invite à s’asseoir et engage d’emblée la négociation. Il s’est trompé, elle ne voulait pas vraiment la mort d’Achaoui, elle a parlé sous le coup de la colère. Mais s’il sait rester discret, elle est prête à le dédommager en lui versant une somme lui permettant de s’acheter une belle Mobylette.
Dans cette Afrique du Nord à peine motorisée, une Mobylette est le rêve de beaucoup d’hommes. Et la veuve s’est gardé une marge de négociation : elle est prête à aller jusqu’à la moto.
Brahim ne répond pas, se contentant de la regarder en souriant. La veuve se dit que ce type a dû être sculpté dans un bloc de testostérone pour dégager un tel magnétisme masculin. Ces yeux jaunes, cette tête de faune l’émeuvent jusqu’aux tréfonds. D’autant plus qu’elle est en manque, son amant attitré, un capitaine de l’armée française, étant parti en manœuvres depuis un mois. Elle se gourmande aussitôt d’avoir eu de telles pensées même fugitives alors que ce n’est vraiment pas le moment. Et en plus, fantasmer sur ce paysan du bled…
Quand il prend la parole elle n’en croit pas ses oreilles
— Tu as bien promis d’accorder ce qu’il voulait à celui qui t’apportera la tête d’Achaoui ? Pour l’instant j’ai faim, sers-moi à manger.
Elle est assez sidérée et balbutie
— Comme tu veux. Je vais ...
... appeler Aïcha.
— Non, femme, c’est toi qui me serviras.
Cette exigence absurde déclenche chez la veuve un petit rire de gorge mais elle ne proteste pas. Après tout, si ça lui fait plaisir. Elle fait passer Brahim dans la salle à manger, l’invite à s’asseoir et s’absente en direction de la cuisine. Elle revient chargée d’un plateau, dispose un couvert et sert à son invité surprise un navarin d’agneau réchauffé. Debout à côté de lui elle s’amuse à jouer le rôle de la moukère soumise au service de ce grand Kabyle hyper mâle. À peine se souvient-elle encore qu’il a tué ce matin. Pour achever de l’enjôler elle lui verse un verre de son meilleur vin qu’il avale d’un trait avant de s’en faire resservir un nouveau. Du coup elle va prendre sur la desserte un autre verre et trinque avec son hôte.
Quand il a fini il se lève, se dirige vers elle, la fixe de ses yeux jaunes qui la remuent toujours autant. Et elle n’en croit pas ses oreilles quand il lui ordonne tranquillement :
— Maintenant, femme, montre-moi ta chambre.
Il s’attendait à ce que la veuve se rebiffe et n’est pas déçu. Elle proteste de sa voix criarde jusqu’à la vulgarité, disant qu’il n’en est pas question et qu’il peut aller se faire foutre. Elle est d’ailleurs vraiment indignée : dans cette Algérie coloniale la distance qui sépare un simple indigène d’une riche Européenne est immense. Mais elle se souvient soudain du piège où elle se trouve et se radoucit : la promesse de Mobylette de tout à l’heure se transforme ...