1. JN0203 Une route longue et sinueuse.


    Datte: 27/09/2018, Catégories: Entre-nous, Les hommes, Auteur: Fab75du31, Source: Hds

    ... retourne soudainement, comme si je l’avais appelé.
    
    Sous l’ample capuche, les traits et le regard de mon Jérém me frappent comme un poing en plein ventre.
    
    Il écrase son mégot contre le pilier, il le glisse dans sa poche et il bascule sa capuche : ses cheveux bruns apparaissent et, surprise, ils sont laissés en bataille, sans aucune fixation, ils sont même un peu plus longs que d’habitude, magnifique crinière virile de beau mâle brun ; sa barbe aussi est plus longue que d’habitude, d’une semaine je dirais, et elle habille à merveille la peau mate de son visage ; visage qui porte des marques de coups, qui ne sont pas celles provoquées par ma main, mais certainement les suites de la bagarre qui l’a conduit dans le coma pendant trois jours. Je fonds.
    
    « Salut… » il me lance en s’efforçant d’afficher un beau sourire.
    
    « Salut… » je lui réponds, en m’efforçant de ne pas bégayer, en prenant sur moi pour le regarder dans les yeux.
    
    « Ça va ? » il enchaîne.
    
    « Oui… et toi ? ».
    
    « Ça va… ».
    
    Et là, au bout de deux échanges de politesses, le silence s’installe entre nous. Je suis mal à l’aise et j’ai l’impression que Jérém n’est pas plus à l’aise que moi, comme si son assurance de petit con qui n’a peur de rien s’était soudainement envolée.
    
    J’aurais envie de trouver un moyen de briser la glace, je n’y arrive pas. Je suis perdu, troublé par sa présence : je ne sais pas où nous en sommes vraiment, j’ai l’impression qu’après tout ce qui s’est passé, après un mois sans ...
    ... se voir, une nouvelle distance s’est glissée entre nous. Comme si nos existences jadis synchronisées étaient désormais en décalage.
    
    Les secondes s’enchaînent et le bruit de la pluie devient presque assourdissant.
    
    « T’es beau, dis-donc… » il finit par me balancer, après avoir allumé une nouvelle clope.
    
    C’est la première fois que Jérém me fait un vrai compliment. Je suis à la fois flatté et déstabilisé.
    
    « Tu parles… ».
    
    « Si, si, tu es très beau, t’es très bien sapé… ».
    
    « Oui, ce sont les fringues qui font tout… ».
    
    « Oui… enfin… non… c’est pas ce que je voulais dire… euh… t’es vraiment pas mal, Nico… ».
    
    « Arrête ton baratin… ».
    
    « C’est pas du baratin… ».
    
    « Si… ».
    
    « T’as mis un parfum… ».
    
    « Non… enfin… si… ».
    
    « Tu sens bon… ».
    
    « Merci… ».
    
    Nos regards se croisent, nos silences s’additionnent, nos malaises s’amplifient mutuellement.
    
    Puis, un détail attire mon attention : le zip du pull à capuche est légèrement ouvert et un bout de tissu plié dépasse ; on dirait un col de maillot de rugby, mais pas n’importe lequel. Du blanc, du rouge : on dirait bien le maillot que je lui avais acheté à Londres et qui avait désormais une longue histoire : ce maillot que j’avais gardé longtemps chez moi avant de me décider à lui offrir, ce maillot qu’il m’avait balancé à la figure lorsque j’avais enfin voulu le lui donner, ce maillot que j’avais laissé à son patron, à la brasserie, ce même maillot qu’il m’avait crié avoir jeté à la poubelle : c’était la ...
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