Amours
Datte: 24/09/2018,
Catégories:
hhh,
copains,
vacances,
bain,
bateau,
amour,
cérébral,
hsodo,
historique,
Auteur: Claude71, Source: Revebebe
... condition.
Dans la barque qui la ramenait à la guinguette, Fifine restait silencieuse. Michel s’en étonnait. Elle semblait rêveuse, préoccupée. Par discrétion, le rameur respecta son mutisme. En fait, Fifine cogitait. À Chalon, elle avait appris qu’un marinier s’était gravement blessé. Il était hospitalisé et sa femme se désolait. Il fallait livrer la marchandise avant la fin de la semaine prochaine.
Elle ne savait pas naviguer et devait, de toute manière, rester auprès de son mari. Fifine lui avait alors parlé de Marcel, un jeune matelot qui pourrait la dépanner. C’était une aubaine, surtout s’il pouvait assurer le remplacement jusqu’au complet rétablissement de son époux. Après cette livraison, dans la région parisienne, ils devaient honorer un contrat à Boulogne pour une entreprise de construction. Il s’agissait de transporter des matériaux sur le chantier de la future exposition universelle au Trocadéro.
Dès qu’il irait mieux, ils rentreraient sur Paris par le train. Elle proposait un bon salaire et, s’il faisait l’affaire, d’embaucher Marcel comme matelot par la suite. C’était une bonne nouvelle mais Fifine ne voulait pas contrarier les amours du jeune homme. Elle ne s’était pas engagée pour lui, avait promis d’en parler. Elle avait sa petite idée.
Quand ils accostèrent, Fifine retrouva la parole. Elle appela tout son monde pour décharger la barque et elle annonça, les yeux rieurs : « conseil de famille, tous, dans ma cuisine ». Les garçons, inquiets, ...
... s’exécutèrent. On ne discutait pas les ordres de Fifine. Elle exposa l’affaire et demanda à Marcel ce qu’il en pensait :
— C’est intéressant, j’y f’rais bien, surtout après sur Boulogne, répondit-il en regardant Michel, mais y’a Maurice et Martial…
— Sûr que ça vous irait bien ! confirma Fifine. Pour les deux autres, y’aurait moyen de les embarquer, y’a la place mais faudrait me trouver des remplaçants pour finir la saison.
— Ben, nous ! s’exclama Emile. Georges sait déjà y faire. Moi, j’suis cuisinier de métier. J’suis au chômage. Mon patron m’a viré, voulait pas d’une tantouse dans son resto. Fifine, j’sais bien que vous, vous y craignez pas.
— Oh ça, pour vos cochonneries, j’m’en arrange ! dit-elle en riant. Même qu’y faudra changer mes draps pour c’te nuit. J’préviens que vous allez pas gagner des mille et des cents. Cette année, j’ai fait mes affaires, grâce à vous tous. Je sais récompenser le travail. D’abord, les Parisiens, pas question de payer la pension, vous avez assez aidé comme ça. Michel, dis-moi, toi qu’as vu mes comptes, si je peux donner deux salaires.
— C’est possible, s’ils ne sont pas trop gourmands, indiqua Michel en faisant un clin d’œil aux deux compères, mais Fifine, vous êtes trop bonne. On n’avait pas prévu de se faire héberger gratuitement. On a juste remplacé Marcel et Maurice pour qu’ils puissent être avec nous.
— Taratata, monsieur l’instituteur, la Fifine, avec tout le respect qu’elle t’y doit, elle y fait bien comme elle veut ! pesta-t-elle, ...