État des lieux - Histoires de Sexe

État des lieux

Meublé de 22 m2, petite résidence calme, proche centre-ville, métro, commerces et toutes commodités, refait à neuf. Rez-de-chaussée sur cour avec abri à vélo et containers. On pourrait ajouter : humide, murs de traviole, douche casse-gueule, voisins timbrés… mais surtout un loyer pas cher, idéal pour une étudiante. Même si c’est un peu exigu quand on aime les livres et qu’ils remplissent bien six bibliothèques pleines à craquer (la double rangée n’est pas une option). Un jour j’aurai les moyens d’habiter plus grand, avec une vue autrement plus agréable que celle d’un mur en béton, une vraie table pour manger assise plutôt que sur mes genoux sur le canapé, je pourrai recevoir !

En attendant je suis bien dans mon petit nid. Le quartier est plutôt sûr et vivant juste ce qu’il faut. Les parties communes sont plus ou moins entretenues, l’agence ayant donné le marché à l’entreprise de nettoyage la moins chère plutôt que la mieux disante. Bientôt le système de clés va être remplacé par un badge magnétique, le régisseur doit passer l’apporter ce matin. En attendant je bûche sur l’ordinateur et j’aère ma piaule par la seule et unique fenêtre de l’appartement.

Driiing ! Je vais ouvrir la porte puisque l’interphone est inaccessible derrière un meuble. Arrive un homme qui marche d’un pas décidé, ni nonchalant, ni précipité. Pas très grand, à peine quelques centimètres de plus que moi. Chemise blanche, pantalon et veste gris, simple, propre, élégant. Une mèche argentée qui ne ...

... gâche rien. En somme un jeune quarantenaire tout ce qu’il y a de plus correct. Avec un nez, comment dire… qui a du caractère ! Bon je vais plutôt fixer autre chose, ses yeux par exemple. Ce n’est pas bien difficile, il a le regard franc.

— Bonjour monsieur.
— Bonjour mademoiselle, je vous apporte le badge comme convenu. Il me faut une signature ici…
— Voilà, merci.
— Je dois également vérifier le compteur d’eau, il y a une anomalie dans l’immeuble.
— Ah bon ?
— Oui, pouvez-vous me montrer où il se trouve ?
— Bien sûr, il est derrière le wc dans la salle de bains.

Il n’est pas beau mais il dégage un certain charme. Sa voix est agréable, elle résonne avec un beau timbre riche en harmoniques. Il embrasse du regard la pièce encombrée. Heureusement que j’ai replié le canapé-lit ! J’observe furtivement tous ses gestes. Il pose son regard partout mais pas sa main, j’apprécie. Pas comme certains propriétaires de logements étudiants qui se croient tout permis, débarquant à l’improviste avec leur double de clés et touchant à ce qui ne leur appartient pas…

— Vous savez, c’est la première fois que je vois l’intérieur d’un appartement que je gère.
— Ah bon ?
— Avez-vous besoin d’autre chose ? quelque chose à signaler ?
— Hum, non… je ne vois pas, tout fonctionne.
— Au revoir alors.
— Au revoir.

Aussitôt la porte refermée, aussitôt je replonge dans mes écrits. Contrairement à la plupart des travailleurs qui, en terminant leur journée, peuvent disposer à loisir de leur ...