Double exemplaire - Histoires de Sexe

Double exemplaire

... juge Fréval, que vient-il faire là-dedans ?

Bonne question, pensa Marc. Fréval avait la réputation d’être plutôt libéral, à l’opposé de la communauté, même s’il en connaissait certainement une bonne partie des membres.

— Eh bien, vous n’ignorez pas que le juge et moi entretenons de bonnes relations professionnelles… Il nous fait confiance quand nous demandons un mandat de perquisition, une commission rogatoire, même en urgence, et ne chipote pas sur les détails de forme… En l’occurrence, c’est lui qui est venu me demander de l’aide, et j’ai toutes les raisons de la lui donner.

Marc relut la fin du procès-verbal. La phrase «M. X4 m’a identifiée, et après m’avoir interrogée sur ma situation m’a vivement incitée à demander de l’aide aux autorités judiciaires » l’avait frappée en première lecture par sa concision, laissant du coup un certain flou sur le détail des événements. Il comprit…

— Le client potentiel qui a tout arrêté, M. X4, le confesseur, celui qui a apporté la première aide, c’est le même homme, non ? Le juge Fréval ? Et c’est pour cela que vous avez masqué quelques noms, dont celui-là, dans le PV…

Rousseau prit l’air embarrassé, mais pas trop, du gendarme que l’on vient de prendre en flagrant délit d’humanité.

— C’est exact… j’ai pris en compte le fait que le juge, même s’il avait commis un délit mineur en sollicitant les services d’une prostituée qu’il pensait occasionnelle et consentante, a immédiatement pris les bonnes décisions en découvrant ...

... que ce n’était pas le cas, puis en venant me voir de sa propre initiative pour en parler et décider d’une action à suivre.

«Et après une telle déposition », pensa Marc en admirant une fois de plus le réalisme implacable de leur chef, «le juge en question, ami ou pas, il le tient par les c…, et un juge redevable, c’est bien plus utile qu’un juge discrédité. »

Mathilde fit une moue.

— Oui, parce qu’il connaissait cette femme, qu’elle était de son monde… Si elle avait été ce qu’il croyait au départ, une prostituée anonyme, il en aurait profité comme les autres…

Marc, de son côté, avait évacué la question de Marie-Claire Chaix et comprenait maintenant un peu mieux ce qui lui était demandé.

— Donc, puisqu’on ne touche pas à Mme Chaix, l’idée est d’introduire à notre séducteur-proxénète une candidateBelle-de-Jour, puis de le prendre en flagrant délit lorsqu’il essaiera de la vendre ?
— C’est exactement l’idée…

Mathilde regarda Marc avec indignation. Celui-ci comprit qu’elle n’était nullement convaincue, et restait choquée qu’on leur demande de faire un travail difficile et coûteux en temps, pour servir ce qui ressemblait fort à un copinage entre un capitaine de Gendarmerie et un juge. Ceci venait s’additionner au fait que le jeu de rôles visiblement pressenti pour elle, sans qu’on lui ait demandé son avis, ne l’enchantait pas du tout. Mais elle n’osait pas le dire en face à son supérieur.

Marc regarda à nouveau le Capitaine, avec une mimique dubitative qui ...