Transport en commun - Histoires de Sexe

Transport en commun

... Trois jours d’attente qui m’ont paru impossibles à supporter.

— Je peux aller avec vous en forêt ? demandé-je à mon mari alors qu’il se prépare pour son footing dominical.
— Mais tu ne cours pas !
— Je marcherai.

Je voulais surtout revoir Damien pour lui montrer que je n’étais pas fâchée, mais lorsque je les ai vus côte à côte, mon mari et son partenaire, je ne me suis pas sentie bien. Dans mon cerveau, la séparation était totale, parfaite. Ma vie d’épouse avec Romain. Ma vie professionnelle où je rencontrais Damien.

Mon mari savait que Damien et moi faisions chemin ensemble.

— Oh, c’est bien pour toi, non ? Cela te fait une compagnie. Je le connais peu, on ne parle pas beaucoup en courant. À part de savoir qu’il est divorcé, sans enfant, qu’il a 40 ans, je ne sais rien de lui. Il a une belle foulée.
— Alors j’en sais plus que toi. Je sais par exemple que c’est sa femme qui l’a quitté.
— Ah, vous, les femmes avec votre indépendance !
— Quoi ? Elle avait peut-être des raisons. Tu condamnes sans savoir.

J’avais pris la défense de la femme, pourtant je savais qu’elle avait un amant et qu’il les avait surpris. Sans réfléchir, j’avais pris le contrepied pour ne pas défendre le mari. Avec le recul, déjà je me glissais dans la peau de cette épouse – infidèle il est vrai – mais que je ne pouvais pas condamner, car la condamner c’était me condamner aussi. Je cachais tout au fond de moi ce qui me paraissait inéluctable : il me plaisait… À la façon dont il me ...

... regardait, à la façon dont il me faisait des compliments, et je me doutais que je lui plaisais aussi.

Mais de les voir l’un à côté de l’autre, le mari et… l’amant. L’amant ? Tout de même pas. En tout cas pas en réalité. Mais en pensée, oui. Ses yeux. Ses lèvres. Ses mains et ce que le costume cachait.

Il cachait ce que la tenue de sport me laisse entrevoir. Le polo moule un torse parfait. Le short est large, confortable, mais les fesses font une bosse bien agréable à regarder. Les jambes, qui lui donnent une belle foulée, dixit mon mari, sont lisses, mollets galbés, cuisses musculeuses.

Il me regarde, inquiet. Il a peur que ma présence soit pour dénoncer ce baiser. Mais je souris et vais même vers lui pour l’embrasser.

— Bonjour Damien. Tu vas bien. C’est autre chose que les transports !

Je plaisante en montrant d’un geste la forêt qui nous entoure, poumon de notre banlieue.

Romain ne se formalise pas de cette familiarité. Je ne lui ai pas caché que nous nous attendions pour faire « transport commun ».

Ils partent. Petite foulée d’échauffement.

— Je marche un peu et je rentre. Bonne course.

Damien se retourne et je lui fais un signe de la main. Il doit être rassuré.

Il fait beau. La forêt bruisse de ses habitants, du vent, de la chaleur de cet été précoce. Je marche une bonne demi-heure, l’esprit occupé par des pensées contradictoires. D’une certaine façon, j’en veux à mon mari de ne pas au moins montrer une interrogation sur ces rendez-vous quotidiens. ...