1. Rencontre de l'Ange


    Datte: 04/02/2018, Catégories: amour, nonéro, Auteur: Igitur, Source: Revebebe

    ... faisait-il partie de l’arsenal des analgésiques ? Je ne ressentis aucune douleur.
    
    En partant, le médecin épongeur avait lâché avec un peu de mépris
    
    — Occupez-vous de sa tête, Ophélie.
    
    Et l’œil dans son décolleté largement ouvert, je pensais
    
    — Tu as de jolis petits seins, Ophélie.
    
    En moi cette image et ce prénom sont à jamais liés, comme le visage et le poing de béton. Il me fallait vivre désormais avec la délicieuse et l’effroyable image superposée.
    
    La nuit était tombée. Le calme revenait progressivement dans l’hôpital. On croisait dans les couloirs des hommes et des femmes qui titubaient de fatigue. Les blouses blanches autant que les bleues étaient maculées du sang des victimes.
    
    Ophélie a guidé mon lit des urgences à la chambre qui m’attendait. Elle est restée près de moi jusqu’à ce que le personnel de l’étage ait fini de m’installer dans le lit. Elle a ausculté une dernière fois le pansement qu’elle avait réalisé. Puis elle a déposé sur mon front un baiser en murmurant :
    
    — Bonne nuit.
    
    Avant de refermer la porte, elle a ajouté :
    
    — Je passerai te voir demain.
    
    Lorsque la porte fut refermée, en écoutant mon monotone acouphène, je me demandai ce qui venait de se passer, la bombe, les morts, mais surtout ce baiser, ce tutoiement.
    
    Je n’ai pas eu la force de prendre le téléphone, de raconter cette journée à mes parents. Je leur laissais encore une nuit de tranquillité. J’ai dormi sur un océan agité de cauchemars.
    
    Lorsqu’une femme en blouse ...
    ... bleue a fait pénétrer la lumière dans la chambre, j’ai eu la désagréable impression d’être sorti violemment du meilleur sommeil de ma nuit, celui où les cauchemars enfin allaient céder.
    
    — On a bien dormi ? lança la femme machinalement.
    
    J’ai ronchonné :
    
    — Non.
    
    En rassemblant mes esprits pour essayer de me souvenir où j’étais et pourquoi.
    
    J’avais un sale goût dans la bouche et la peau de mes jambes tirait comme si elle était devenue trop courte. Les images sont revenues, l’acouphène me sifflotait sa mélodie monotone beaucoup plus discrètement que la veille. J’essayais de trier dans mes souvenirs les images de la réalité de celles des cauchemars encore présentes, sans bien pouvoir décider lesquelles étaient les plus terrifiantes.
    
    J’avais pourtant le souvenir d’un moment agréable au milieu du chaos. Un décolleté, une peau douce, un visage prévenant, mais je ne savais pas de qui il s’agissait. Songe ou réalité ? J’ai bien essayé de retenir l’image fugace d’un visage, mais il a été aussitôt détruit par le poing de béton.
    
    — On n’a pas trop mal ? a dit l’infirmière en guise d’introduction aux soins de ma tête et de mes jambes.
    
    « On » n’avait pas trop mal avant son intervention, mais elle y a remédié grâce à un savant mélange de manipulations brutales, de frottements énergiques et de produits détergent. Lorsque le chirurgien a observé les plaies de mes jambes la peau en avait la couleur d’un beau homard bien cuit.
    
    — Oh, là, il ne faut pas traîner, a-t-il lancé ...
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