Les dieux sont tombés sur l'athlète - Histoires de Sexe

Les dieux sont tombés sur l'athlète

... l’époque, on était des dieux pionniers, créés et élevés à la dure. On a fait de sérieux progrès, depuis lors. À commencer par l’ascenseur. Moi j’ai encore dû me cogner toutes les volées d’escaliers.
— Et le truc le plus mystérieux, celui qui occupe et meurtrit le plus les humains, c’est la mort, bien sûr, intervint Olympe, pensive.
— Il y a le sexe aussi, si je peux me permettre.
— Exactement, Olympe. Et tu n’as pas tout à fait tort non plus, Éros, il y a un lien.
— Et alors quoi, vous nous avez raconté sans remords de belles fariboles consolatrices pour anesthésier nos angoisses de mortels ?
— On ne vous a rien raconté du tout. C’est vous qui nous avez créés pour animer votre théâtre d’ombres. Et vous l’avez souvent fait avec talent, en nous prêtant vos propres passions et vos propres hypothèses ou espoirs.
— C’est bien connu, l’homme a créé les dieux à son image. C’est toujours comme ça que ça fonctionne, la preuve ! Dès qu’un groupe significatif d’humains se met à croire à un dieu qu’il a imaginé, paf, il se matérialise ici à l’accueil, c’est un autre mystère, et un vrai miracle. Du coup, parfois c’est plus que réussi : regarde-toi. Parfois c’est assez moche, il faut bien le reconnaître, même si je ne veux être désobligeant pour personne.
— Alors, c’est un peu facile, de votre part, les humains, de nous demander réponse à tout ! On n’avait rien demandé, nous autres, les dieux. On est tous arrivés là comme toi, sans mode d’emploi. On fait ce qu’on peut. Et ...

... parfois ça déconne un peu, le monde n’est pas très stable, il n’est pas posé d’équerre et au niveau. Comme une armoire Ikea montée sans notice.
— N’empêche que vous, les dieux…
— Tu en fais désormais partie, Olympe.
— Excusez-moi, j’ai un peu de mal à m’y faire. Nous, les dieux… nous sommes immortels.
— Immortels, immortels… On ne l’est jamais qu’aussi longtemps qu’il reste des humains à croire en nous. Parfois, ils mettent à adorer un nouveau dieu, ou ils délaissent l’un d’entre nous. Dès ce moment-là, celui-ci passe à la trappe.

C’est à ce moment qu’Abewugo, une petite déesse mélanésienne, éclata en sanglots. Aussitôt un groupe de déesses se précipita pour la conforter.

— Faut la comprendre, c’est encore récent. Ça fait combien de temps qu’il a disparu, son Roger ?
— À peine 1 500 ans, c’est encore tout frais.
— M’en parle pas. Je le revois encore comme si c’était hier. On était peinards, là, à prendre l’apéro, il avait l’air en pleine forme, Roger, et puis tout à coup, comme ça… pfooouuuiit ! Évanoui ! Même pas le temps de finir son pastis ! Y’a pas à dire, c’est toujours les meilleurs dieux qui s’en vont les premiers. Il faisait chier personne lui, jamais une malédiction de travers…
— Et puis il avait un si beau petit culte ! sanglota Abewugo.
— En tout cas, le problème, c’est qu’y avait plus que deux pelés et trois tondus qui croyaient en lui, Roger, sur cette île paumée dans l’océan.
— L’ambiance était pas terrible, des clans s’étaient formés. Avec la ...