Me abbandono a te - Histoires de Sexe

Me abbandono a te

... la formidable colère qui était la sienne dans ces moments, mais une colère qu’il contenait, qui ne me mettait pas en danger. En dehors de ces rares moments, il était adorable et n’est jamais entré dans le jeu trouble de certains qui peu à peu, à force de remarques, reproches insidieux, minent, sapent la confiance en soi de leurs proies qui finissent par se sentir fautives, responsables des emportements de leurs compagnons. Non, Tony n’est jamais entré dans ce jeu démoniaque. Malheureusement peut-être, car je suis bien assez forte et résolue pour ne pas me laisser berner par ce type de manœuvres et j’aurai réagi plus vite. Non, pour moi, son problème était juste lié à l’alcool et comme il n’était pas à proprement parlé alcoolique, la solution me paraissait gérable, maîtrisable. Après la séance de pose, là, j’aurais dû porter plainte, agir, pour qu’il soit repéré et obtenir une mesure d’éloignement. J’aurais dû ! Si ce n’était pas pour me préserver moi, j’aurais dû le faire pour préserver d’autres femmes. J’aurais dû, j’aurais dû, j’aurais dû ! Oui, bien sûr ! Évidemment !

Les yeux brouillés, Clara avait marqué un temps d’arrêt pour reprendre son souffle, son calme. Je n’avais pas osé faire la moindre remarque, tenter la moindre réponse.

— Un médecin m’a expliqué que la prise de « H » peut déclencher parfois des événements psychotiques chez des sujets fragiles et propices. Une paranoïa peut s’installer bien au-delà des prises, voire une schizophrénie qui nécessitera un ...

... traitement à vie. Il s’agit de cas rares, concernant plutôt des ados ou très jeunes adultes. Peut-être Tony était-il atteint depuis plusieurs années et sa conscience de cette fragilité expliquerait sa tempérance habituelle en matière d’alcool et de shit. Au-delà de ces deux facteurs, ses transes créatives pourraient expliquer la réactivation de ses peurs paranoïaques et de sa schizo. À partir de là, alcool et drogue entraient dans la danse et le gentil Tony devait un autre, dangereux et incontrôlable. Contrairement à l’immense majorité des féminicides perpétrés chaque jour et qui ne sont pas des crimes de jalousie comme on dit souvent, mais des crimes de possession, si Tony m’avait tuée, ce n’aurait été qu’une affaire de démence…

Après un long silence, Clara avait repris :

— Voilà, tu sais tout. Nous n’en parlerons plus jamais. Plus jamais, tu m’entends ?
— Je comprends Clara.
— Maintenant, écoute-moi encore. L’autre salaud ne doit pas gâcher notre relation. Je sais, tu es un doux, un caresseur, un tendre, c’est ta nature et crois bien que je m’en réjouis. Je sais que je n’ai pas à craindre la moindre violence de ta part. Mais toi, tu ne dois pas craindre de me bousculer un peu à l’occasion, pour « de faux » comme disent les gosses. Pas de brutalité, mais de la passion oui, de la fougue, oui. Je ne suis pas une poupée de porcelaine, alors ne me traite jamais comme telle ! Demain, dans trois mois, dans dix ans, bien plus même j’espère, nous jouerons à toutes sortes de ...