1. Le fauteuil d'Émilie


    Datte: 04/01/2023, Catégories: médical, revede, Voyeur / Exhib / Nudisme confession, nostalgie, regrets, Auteur: François Bonura, Source: Revebebe

    ... partout, du parking jusqu’au toit. J’ai survécu, mais mon odorat est là pour me le rappeler. L’odeur du réfectoire et de sa bouffe fade, l’odeur de la buanderie, du savon liquide avec lequel on me lave.
    
    Dur dur quand on a trente-deux ans de laisser quelqu’un d’autre vous laver. Ce sont des femmes qui s’en chargent, mais ça n’y change rien, je ne m’y ferai jamais. Elles sont habituées, leurs gestes sont délicats, et elles prennent leur temps. Certaines ont des antennes immenses et perçoivent mon malaise, elles font ça en silence. D’autres pensent que papoter va m’aider à sentir mes jambes. Marrant comme on est toujours le con de l’autre. Elles m’inspirent de la pitié et de l’admiration, je leur inspire la même chose, allez comprendre…
    
    Il y en a une très douce qui fait ça avec beaucoup de pudeur, Leila. Une noire à la peau claire, crâne rasé. Quand elle attrape mes mains pour tendre mes bras et nettoyer mes aisselles, je serre mes doigts sur les siens et me laisse guider. Pendant quelques minutes je suis sa cavalière et elle m’emmène danser. Son souffle est calme, régulier, il emplit la salle de bain. Le mien est comme haletant, le moindre étirement me coûte et me fait souffrir. Elle m’a tutoyée dès le premier jour en me disant simplement,
    
    — Respire avec moi.
    
    Je crois que de ma vie personne ne m’a dit plus belle phrase.
    
    Je suis hétéro, mais elle je ne dirais pas non… Quand elle me voit, c’est dans mon entière nudité, pourtant elle frappe toujours avant d’entrer. ...
    ... Une fois elle a toqué, je n’ai pas répondu pour voir sa réaction. Elle a simplement dit « je reviens Émilie », sans toucher la porte. Mon cœur s’est mis à battre fort, comme si j’avais un rendez-vous galant. Dix minutes après elle était de retour avec une enceinte Bluetooth connectée à son téléphone. Elle m’a nettoyée avec le meilleur des savons : « Duettino sull aria ».
    
    Moi qui n’écoute que du rock…
    
    La voix de La Callas m’a mise en transe. Les mains de Leila sur mon buste ont fait le reste. La vapeur a compris que j’avais besoin d’elle, elle est devenue mon alliée et s’est imposée en recouvrant le miroir. Plus de reflet, donc plus d’identité, donc plus de visage, que moi.
    
    Mon sexe ne me sert plus à rien… pourtant j’ai ressenti un truc bizarre. C’est parti du bas-ventre et c’est remonté jusqu’aux seins en un éclair fulgurant. Ça m’a laissée pantelante, vidée de tout, j’ai failli tomber du fauteuil. Leila l’a compris, elle l’a senti. Avec son pouce elle a essuyé une grosse larme qui coulait sur ma joue et m’a juste susurré à l’oreille :
    
    — Tu peux encore jouir, par le haut, c’est bien.
    
    Puis elle a coupé l’eau, et m’a aidée à enfiler mon kimono japonais. Quand la porte s’est refermée derrière elle, j’ai soudain eu envie de vivre.
    
    Depuis ce jour je ne pense qu’à ça. Comme une énergie invisible, quasi mystique. Je ne crois en rien, mais ce que j’ai vécu avec Leila, c’était pas un rêve, ça m’a vraiment fait du bien. J’aimerais en parler au kiné, mais j’ose pas. Il ...
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