La Solitude d'Anastasie Beaubois (1)
Datte: 12/12/2022,
Catégories:
Hétéro
Auteur: Count Zero, Source: Xstory
La Solitude d’Anastasie Beaubois
— Bonjour Madame Beaubois. C’est Basile, le prof de Maths.
Basile attendit que la patronne daigne lui répondre en jetant un coup d’œil autour de lui. La rue était déserte et une fine neige tombait sur la chaussée grise. L’interphone grésilla, et Madame Beaubois se manifesta :
— Basile, fit-elle d’un ton faussement neutre. Vous êtes en retard.
Le professeur consulta sa montre : Dimanche18h10.
— Je suis en retard, en effet, admit-il. Pourriez-vous m’ouvrir le portail, s’il vous plaît ? Il fait un peu frisquet.
L’espace d’un instant, Basile eut un doute : elle n’allait quand même pas le laisser dehors pour dix minutes de retard ? Juste avant que le doute ne s’installe vraiment, le portail magistral en fer forgé noir émit un petit grincement. La disgracieuse ampoule orange qui trônait peu fièrement en haut des pilastres fixes de la clôture commença à clignoter avec ferveur. Poussivement, les deux battants pivotèrent l’un après l’autre, laissant à Basile le loisir de pénétrer dans la propriété.
— Merci, ajouta inutilement l’homme en direction de l’interphone.
Basile avait toujours été impressionné par la maison, ou plutôt lademeure, comme aimaient à l’appeler ses propriétaires, dans lesquelles vivaient sa cliente et ses filles. Nichée en haut d’une colline, à une vingtaine de mètres du portail au bout d’un chemin pavé, elle resplendissait des délicates nuances ocre des briques avec lesquelles elle était construite. La ...
... toiture aux nombreux pans qui se croisaient et se superposaient, agrémentés de chien assis, disposés de manière régulière comme des sentinelles, donnaient à l’ensemble un aspect vaguement baroque. La bâtisse était vieille, et les décorations anciennes et baroques au goût douteux (mais pas dénués d’un certain charme) côtoyaient des subtilités modernes délicates et architecturalement réussies.
La double porte d’entrée noire s’ouvrit au moment où Basile montait les quelques marches en béton du perron.
Comme dans une mise en scène méticuleusement minutée, Madame Beaubois l’attendait, bras croisés, et regard désapprobateur.
— Basile, commença-t-elle sans même le saluer. Combien de fois vous ai-je dit que la ponctualité était une vertu que je chérissais plus que tout ?
— Suffisamment de fois pour que je m’en souvienne, Madame. Je suis désolé. Pour ma défense, je vous ferais remarquer que c’est la première fois que je suis en retard depuis que je travaille ici. C’est à cause de la neige.
— Avec tout le respect que j’ai pour vous, Basile, vos histoires de neige ne m’intéressent pas, contrairement à l’éducation de ma fille.
Basile observa le visage de sa mandatrice avec attention. Derrière son air sévère et outré et ses traits anguleux, Basile apercevait parfois un trait de tendresse et d’inquiétude quand elle parlait de sa petite dernière. Et Basile se voulut rassurant :
— Je comprends. Ne vous en faites pas, ça n’arrivera plus.
— A la bonne heure. Suivez-moi, Marie ...