1. Chroniques pénitentiaires d'une rebelle 1


    Datte: 28/11/2022, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Sappho, Source: Hds

    ... vers ses codétenues, pas longtemps malheureusement, le regard lourd cherche le mien, je le sens.
    
    « Fixe ton assiette, Louise. », me commande la voix de la sagesse.
    
    À la maison, j’aurais certainement traîné devant la glace histoire de constater si mes rondeurs avaient disparu par miracle dans la journée. Pas de psyché au pénitencier, ni de phénomène surnaturel, le portrait poupon dans le miroir reste celui d’une nana aux formes un peu trop épanouies à mon goût. Je laisse tomber l’uniforme constitué d’une combinaison rouge sans poche, d’une paire de socquettes et d’une culotte règlementaire, le soutien-gorge n’entre pas dans les options, ni les effets personnels. Tout ce qui ne porte pas la marque du pénitencier est interdit.
    
    Le thermostat réglé à 28°, l’eau me fait du bien, rien ne vaut une bonne douche tiède après une journée pénible, sauf peut-être une baignade dans l’océan les yeux rivés à l’horizon, le sentiment de liberté absolue... « Arrête de te torturer, Louise, t’en as pris pour cinq piges, autant t’y habituer. Ferme ta gueule, fais ce qu’on te dit, évite les ennuis au moins une fois dans ta vie. » Mon cerveau est de bon conseil ce soir, je décide de l’écouter en appuyant sur le distributeur de gel douche liquide scellé à la cloison, encore une mesure de sécurité.
    
    – Un savon glissé dans une chaussette fait une excellente matraque.
    
    Je me retiens de sursauter ; Christelle adossée au lavabo me regarde, et pas dans les yeux, son sourire gourmand dit ...
    ... combien le spectacle lui plaît. Parler, surtout la faire parler, quitte à oublier ma promesse de ne pas me montrer trop curieuse, c’est ça ou céder à la panique de la voir s’inviter sous la douche.
    
    – En cours d’histoire j’ai visionné des vieux films sur la vie en prison au début du siècle, toute cette violence, la saleté, la surpopulation, ça craignait.
    
    – On nous en montrait aussi à l’école de police. Eh oui, personne n’est à l’abri de se retrouver en taule, soupire Christelle devant mon air déconfit, une pointe de nostalgie dans la voix.
    
    Merde ! Une fliquette ! Ça explique l’attitude des autres à son égard au réfectoire, et ce qui ressemble à de la considération de la part des surveillantes, la prédiction du directeur, surtout les éventuelles rumeurs à son sujet. La survie est devenue une seconde nature chez ma codétenue, certaines sont certainement enfermées ici par sa faute ; j’hésite entre la plaindre ou me foutre de sa gueule.
    
    – Pourquoi t’es là ?
    
    – J’ai tiré sur mon mari, il me battait, s’offusque Christelle un trémolo dans la voix. Le salaud s’en est sorti.
    
    Je crois qu’elle regrette davantage que son mec soit en vie que le fait de se retrouver en taule. Fin des confidences, inutile de demander la longueur de sa peine, une tentative de meurtre c’est trente ans de détention. La notion de femme battue, les circonstances atténuantes ? Encore des reliques du passé. Les juges laissent les avocats en débattre, ça assure le spectacle au cours du procès ; cependant, ...
«12...5678»