1. Chroniques pénitentiaires d'une rebelle 1


    Datte: 28/11/2022, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Sappho, Source: Hds

    ... comprendre, c’est quand elle m’a dit de trouver rapidement une protectrice.
    
    Les gardiennes, pendant la fouille au corps à mon arrivée, m’ont comparée à de la viande fraiche dont certaines allaient soi-disant se régaler, faut-il comprendre qu’on va se disputer mes faveurs ? L’enfermement à long terme doit avoir des conséquences sur la vie sexuelle, que je sois hétéro ne dérangera pas tout le monde. La matonne m’indique une table au bout de laquelle ma codétenue est complètement isolée. Mieux vaut ne pas trop m’approcher, la mise à l’écart ne se fait jamais sans raison. Elle soupire en secouant la tête de gauche à droite.
    
    – Ça va, mets-toi en face de moi.
    
    Je fais glisser mon plateau devant le sien en silence, décidée à ne pas me montrer plus envahissante que nécessaire. Les autres ont peur de Christelle, ça me suffit pour l’instant. Elle relève le nez de son assiette de pâtes à la crème, le regard froid sous les courts cheveux châtains ; l’absence d’émotions visibles laisse planer une impression de danger. Il en faudrait pourtant de peu pour humaniser le visage lisse aux traits réguliers de quadra issue d’un milieu favorisé, un simple sourire par exemple.
    
    – T’as pris combien ?
    
    – Cinq ans, j’ai distribué des tracts contre le gouvernement à la fac.
    
    Entre l’audience, le transfert et les formalités d’incarcération, je n’ai pas eu trop le temps de penser à ce qui m’arrivait. Cinq ans, cinq longues années enfermée, sans parler à ma mère ni à ma petite sœur, le ...
    ... beau-père a décrété qu’il n’y aurait aucune visite. Cinq ans sans voir un mec, à condition de ne pas être convoquée dans le bureau du directeur, le seul mâle de la taule. Je ne leur courais pas après dans ma vie d’avant, c’était plutôt l’inverse, mais j’aimais bien me laisser rattraper de temps en temps, et pas toujours par le plus rapide.
    
    – Tu vas entendre des rumeurs à mon sujet, laisse-les parler, ça m’amuse de les voir se triturer les méninges, du moins celles qui en ont.
    
    Et ? Rien, Christelle replonge dans son assiette, fermée, les confidences s’arrêtent là. Une autre occasion d’en savoir plus sur ma codétenue se présentera peut-être plus tard, elle ménage la chèvre et le chou en s’intéressant à moi par intermittence, comme si elle réapprenait doucement à discuter avec un être humain.
    
    – Ils t’ont collée à l’entretien, je parie. Les politiques ne sont jamais envoyées aux ateliers, il ne faudrait pas contaminer le troupeau.
    
    La pensée révolutionnaire me fait sourire, l’humour de Christelle me rassure un peu sur son état mental ; quoique, une psychopathe aussi doit se montrer sociable par moment, au moins pour approcher ses victimes...
    
    – Eh, la nouvelle, tu veux mon dessert ?
    
    Je refuse l’offre d’un sourire forcé. D’abord je ne suis pas fan du riz au lait, en plus tout doit se payer en taule, d’une manière ou d’une autre, et le regard de la femme de haute stature à l’autre bout de la table me met mal à l’aise. Elle hausse vaguement des épaules puis se retourne ...
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