1. Chroniques pénitentiaires d'une rebelle 1


    Datte: 28/11/2022, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Sappho, Source: Hds

    ... malgré la volonté de me montrer forte, la gorge sèche, le cœur emballé, je me redresse entre les gendarmes. La peine se comptera en mois ou en années ? Une chose est sûre, on ne va pas me faire de cadeaux, je me fais encore moins d’illusion qu’à mon arrivée.
    
    – Mademoiselle Louise Marvault, selon l’article 157-8 du code pénal réformé de l’année 2035, vous êtes déclarée coupable de tentative de déstabilisation de l’État. Au regard de vos antécédents, la cour ne vous reconnait aucune circonstance atténuante. Vous êtes donc condamnée à cinq ans d’emprisonnement au pénitencier pour femmes de Nantes. Vous aurez le temps de réfléchir à la menace que vos actes ont fait peser sur notre société. La sentence prend effet immédiatement.
    
    Putain de merde ! Ça fait cher, je ne pensais pas morfler autant pour une poignée de tracts distribuée à la sortie de la fac. Donnée par mon beau-père en plus, ce salaud m’a fait payer ma volonté d’indépendance au prix fort. Le juge rigole avec ses accesseurs, ça s’arrête là pour eux, ils peuvent aller déjeuner au resto, fêter leur victoire. J’ai besoin de décharger ma haine avant de m’étouffer avec.
    
    – Vous appelez ce cirque un procès...
    
    – Silence, Marvault ! Un outrage à la Cour alourdirait votre peine. Gendarmes, faites disparaître cette mauvaise graine de mon tribunal.
    
    Au loin, le beau-père évacue ma mère de force, elle se retourne. Colle-lui une beigne, maman, libère-toi de l’emprise de cette ordure, viens m’embrasser ! Peine perdue, ...
    ... elle passe la porte sans avoir capté ma pensée. Ne pas pleurer, du moins pas en public, rester digne, la tête haute, surtout n’implorer aucune pitié, je refuse de leur donner le plaisir de m’entendre supplier. Un jour, ce sera à eux de rendre des comptes aux citoyens, pour peu que ces froussards se réveillent.
    
    – Je suis désolé, Louise.
    
    Incroyable mais vrai, cet incompétent d’avocat commis d’office cherche du réconfort auprès de moi. Qu’il aille se faire voire lui aussi ; au moins en reconnaissant les faits, j’aurais eu la conscience tranquille d’avoir respecté mes principes jusqu’au bout au lieu d’être rabaissée au rang de gamine écervelée dans une parodie de procès. Ils m’ont filé le maximum, je ne risquais pas d’en prendre plus.
    
    – Vous avez été payé pour m’empêcher de parler, bien joué. Retournez au pied de vos maîtres comme un gentil toutou, je ne veux plus vous voir.
    
    Après la pandémie de coronavirus dans les années 2020, le système économique a montré ses limites, la situation est devenue ingérable. Le président de l’époque, convaincu qu’une réduction drastique de la couverture sociale suffirait à régler le problème de la dépense publique, a privilégié la mondialisation à outrance au lieu de créer une nouvelle société basée sur les valeurs humaines davantage que sur le fric. Les gouvernements successifs ont donc supprimé les acquis historiques, du salaire minimum aux retraites en passant par la sécurité sociale, puis bradé la fonction publique.
    
    La santé ...
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