1. Chroniques pénitentiaires d'une rebelle 1


    Datte: 28/11/2022, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Sappho, Source: Hds

    ... provocation. Rester calme, fermer ma gueule, subir en silence, ne montrer aucun sentiment, les évidences sont devenues des réflexes pendant un mois de préventive à Angers, le temps d’instruire mon dossier.
    
    Inutile d’examiner les lieux, toutes les prisons sont bâties selon le même modèle. Un mur porteur donnant sur l’extérieur muni d’une lucarne qui laisse entrer la lumière du jour, deux lits superposés de chaque côté, une table et une chaise, une télé encastrée fait face à la fenêtre. Le choix est simple, programmes éducatifs sur une chaîne, musique sur la seconde, comédies romantiques sur l’autre, histoire de nous rappeler les petits et les grands bonheurs des femmes à l’extérieur, des fois qu’on se risquerait à les oublier.
    
    L’administration a pensé à tout, chaque cellule est équipée d’une douche afin de limiter les risques de bagarre entre détenues. Un plexiglas transparent sert de cloison entre la « chambre » et la « salle de bain », l’autre côté reste ouvert, séparé de la cuvette des chiottes par un lavabo surmonté d’un miroir encastré, la notion d’intimité a disparu du cahier des charges. Évidemment, tout est scellé aux murs ou au plancher, y compris la brosse à dents au bout d’une chaînette de trente centimètres.
    
    – Salut.
    
    Merde ! Aucun son n’a annoncé l’ouverture de la porte. Je mets aussitôt de côté le fait qu’une matonne pourrait surgir n’importe quand en silence pour me concentrer sur ma camarade de misère. On va passer du temps ensemble, autant faire ...
    ... connaissance...
    
    – Je n’aime pas les questions, encore moins les curieuses qui les posent. Respecte mon espace et tout se passera bien, Louise. Moi c’est Christelle.
    
    Comment elle connait mon prénom ? « Maillard lui apprendra vite à respecter les règles. », la phrase du directeur résonne péniblement dans mon cerveau, j’ai intérêt à faire gaffe à ce que je dis. Ma codétenue s’allonge sur une couchette, je prendrai celle en face par prudence.
    
    Les gardiennes voulaient peut-être qu’on me remarque, elles ont réussi leur coup, j’arrive bonne dernière au réfectoire à cause d’une convocation à l’infirmerie. La visite d’admission aurait pu attendre demain ; ou l’administration ne voulait pas que ça rogne sur mon temps de travail. J’essaye d’oublier les paroles déplacées et les gestes douteux à mon encontre, il doit y avoir quelques frappées dans le tas. Avec la perpétuité réelle prévue dans la réforme du code pénal de 2035, certaines n’ont aucun espoir de quitter ce trou, leur état mental doit en prendre un coup.
    
    La force de caractère ne sert à rien ici, au milieu de criminelles endurcies. D’après une habituée rencontrée au centre de détention à Angers, des règles simples peuvent m’aider à survivre dans un environnement aussi rigoureux qu’un pénitencier, même à vivre pas trop mal. Rester dans mon coin, ne jamais répondre aux provocations ni fixer les autres dans les yeux, ne m’occuper que de mes affaires, rien d’insurmontable jusque-là ; mais là où j’ai eu un peu de mal à ...
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